CHAPITRE PREMIER

25 1 0
                                    

      Silence. Un vide se fit dans l'esprit de la jeune Laïka. Elle inspira profondément, accueillant un sentiment de sérénité. Son arc tendu, Laïka visait un carbou non loin ; sa respiration cessa un instant, ses yeux fixés sur le corps de l'animal. La Chasse était un rite. Tout acte était un rite : la vie étant elle-même Sacrée. Elle lâcha la corde : silence au sein de cette forêt sereine. Le caribou sombra au sol, mort. Laïka s'approcha de la dépouille, puis s'accroupit. Que ton esprit soit remercié, je te reconnais dans ta beauté, je te remercie de m'avoir offert ton corps pour me nourrir, et m'accompagner, récita-t-elle, tendrement. Puis, elle retira franchement la flèche. Les yeux toujours clos, elle déposa un petit bijoux de perle, en guise d'offrande à l'esprit de l'animal. Le respect de la nature faisait d'un inuit un chamane. Tous dans son village avait en eux cet esprit chamane : la vision du sacré. Laïka transporta le lourd carbou sur son traineau. Elle entendit non loin le hurlement de ses confrères, toujours en chasse. Elle sourit : le village n'aura pas faim en cette saison d'automne. Les enfants seront vêtus, et les doyens protégés. La jeune inuit tirait de toute ses forces le traineau, au travers des troncs. La nuit régnait toujours en cette saison d'automne, et le froid semblait figer toute vie. Pourtant, les lunaisons rythmaient celle de Laïka, qui elle traversait les âges à chaque instant. L'Inuit percevait le village à présent. Quelques enfants couraient et jouaient non loin de leur igloo, avec des bâtons surmontés de plumes. Des femmes faisaient la cuisine, tandis que d'autres allaitaient leur petit, cousaient des peaux pour de nouveaux vêtements. Laïka chercha des yeux sa mère, puis la trouva dans un coin, pensive. Sa mère était épuisée et malade. Sa paleur du visage, ses yeux vitreux le faisait paraître. Laïka s'inquiétait affreusement pour celle-ci : perdre sa mère était une idée terrible, qui la torturait de l'intéreur, arrachant larmes et tristesse. La fille s'approcha doucement de la mère. Cette dernière la remarqua, ce qui la fit sourire. Une sourire de vie, un sourire illuminé :

« Ma fille..., murmura-t-elle tendrement. Quelle joie de te voir en cette nuit là...Ta visite me réchauffe le cœur. , Finit-elle par dire, le souffle chaud. Ta chasse initiatrice s'est-elle bien déroulé ? Dans le silence et la sérénité ?

- Nabünjab, ma Mère. Reposes-toi. , répondit la fille, d'une profondeur sans pareille. , que ton Esprit soit en paix. »

Laïka se dirigea vers son igloo, pour y préparer une bouillie de caribou pour sa mère. Elle ne la ferait pas entrer : car sa mère aimait l'air glacial artique, converser avec le silence et le repos, jamais elle n'accepterait de rentrer dans l'igloo, afin de se poser et garder son corps devenu fragile, au chaud. Aucune autre femme ne s'occupait d'elle : elle refusait toute aide, sauf celle de son tendre enfant, Laïka. La Doyenne guérisseuse du village respectait son choix, bien qu'elle reconnaissait la mort proche. Laïka découpa une cuisse de l'animal, gisant sur le traineau. Elle dépeça soigneusement le membre, puis, l'écrasa avec fermeté dans un récipient. Elle apporta ensuite la préparation à sa mère, qui le dégusta lentement. La jeune inuit s'assit auprès de sa mère, partageant cet instant. Elle avait peur, peur de la mort de sa mère, bien que son père soit toujours présent. La petite fille a besoin de sa mère pour s'éveiller à la force de vie, à son propre cœur. La maladie de Nabünjab, sa mère ne faisait que nourrir son aversion envers la mort, mais aussi la vie. Elle soupira longuement. L'agitation soudaine au cœur du village la tira de ses pensées profondes, l'exilant du palais où règne l'Esprit. Aujourd'hui fut la chasse-initiatrice : rite sacré. À l'âge de onzes lunes, l'enfant du village recevait l'initiation à la chasse et la pêche. Ceci permettait à l'enfant de devenir indépendant au sein de sa propre famille, et prouver sa valeur, sa force et son attachement aux rites ancestraux. Laïka n'étaot en droit de participer à cette initiation masculine, car ici, les femmes gardaient le secret de la vie, et se voyaient recevoir la sagesse des sages chamanes venues des landes voisines. La femme avait en elle, un pouvoir : ce pouvoir originel d'entrer en communication avec les mondes d'en haut, apprendre à lire les étoiles pour guider le peuple, et les familles. Cela n'interressait guère Laïka qui elle, ressentait une attirance effroyable pour la chasse, et les pratiques masculines - bien qu'elle appréciait se receuillir seule auprès de ce Soi qu'elle chérit tant-. Pourtant, elle ne pouvait prendre conscience de son destin. Le destin écrit, avant même que nos corps naissent de matière et d'esprit. La jeune inuit cligna des yeux, pour chasser ces pensées, se concentrant sur son initiation de chasse. Elle en était fière : fière de servir son village, fière d'honorer sa famille, fière de chasser. Celle-ci avait accomplit le rite dans le respect sacré que lui avait enseigné la Doyenne Chamane du village, à l'instar de l'apprentissage de son père. Laïka traîna son lourd caribou dans le village, jusqu'à la tente de l'Anggaklun : la Sage chamane. D'autres Intuits de son âge revenaient : l'un avec un renne, et d'autres avec petits mammifères ou caribou. Deux mères, satisfaites de la chasse de leur petit, vinrent les féliciter, en frottant leur nez contre celui de leur enfant. Laïka sourit, puis remercia une vieille femme qui était venu la récompenser, les prunelles douces. Je suis une femme-chasseuse. Je suis dans le cercle des chasseurs. Affirmait Laïka en son for intérieur. Tous savait que la jeune fille avait développé en elle un aspect masculin, et un élan pour la pratique de la chasse : ce qui était seulement réservé aux hommes. La Doyenne chamane lui avait certifié que son destin serait celui de voyager. Et que, quelque soit ses aprentissages, il n'en seraient qu'utiles pour continuer sur sa véritable voie. Que faire de son destin ? Le suivre, ou le choisir ?

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Aug 20, 2018 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

LaïkaWhere stories live. Discover now