Les Enfants Maudits

Prologue

Les Enfants Maudits

©Kaoré Krey – 2017 - 2018

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Prologue

Il est peu de choses des six premières années de ma vie dont je puisse réellement me souvenir. Cependant, parmi les paysages et les visages que j'ai pu voir dans cette période, il en est certains que je ne pourrai jamais oublier.

Du plus loin que je m'en souvienne, le premier lieu que j'ai connu était un temple dédié à un grand démon du nom de Syrcca. J'étais plutôt perplexe et surprise de me rendre compte que des gens pouvaient adorer, au sens divin du terme, une telle créature car l'idée que je m'en étais faite en recoupant les divers propos que j'avais pu entendre au centre-ville était loin de quoi que ce soit de positif.

Les habitants de Fortuna parlaient des démons comme étant des êtres cruels, sans pitié, meurtriers, voleurs, violeurs et beaucoup d'autres qualificatifs tout aussi peu joyeux. Désireuse de comprendre, j'avais traversé les longs couloirs de marbre noir dont les piliers imposants et les hauts plafonds en coupole me donnaient l'impression de n'être pas plus grande qu'une fourmi. Malgré l'immensité des lieux il était difficile de s'y perdre car chaque couloir disposait de tapis colorés permettant de se guider à travers les lieux. Les tapis rouges menaient aux cuisines et à la grande salle à manger, les verts montraient le chemin jusqu'aux chambres des sœurs et des orphelins dont elles avaient pris la charge, les bleus menaient à l'immense bibliothèque et aux salles de classe où elles nous apprenaient tout du monde extérieur, des différents cultes religieux et bien d'autres choses que je n'ai pas réellement retenues, les tapis jaunes menaient aux salles d'eau et, enfin, les violets menaient aux archives, à la chambre de la Prêtresse-Mère, Evangéline et à la salle de prière où seule elle pouvait entrer. Chaque couloir était aussi enjolivé de plusieurs hauts vases suivant les mêmes coloris que les tapis et dans lesquelles des bouquets de fleurs des même teintes répandaient leurs parfums tantôt discrets, tantôt entêtants mais toujours aisément reconnaissables. Outre cela de magnifiques fresques sur les murs intérieurs louaient la gloire du Roi-Démon Syrcca, dépeignant ses nombreux combats dans des scènes d'une intensité difficilement soutenable.

Suivant le tapis violet j'avais fini par atteindre la chambre d'Evangéline et y avait frappé timidement, craignant de la déranger. J'entendis son rire semblable à un chant d'oiseau puis sa voix claire me dire :

« Entre, Kaoré ! » d'un air amusé.

Je m'étais figée, ne comprenant pas comment elle faisait pour savoir qu'il s'agissait précisément de moi et non un autre des très nombreux résidents du temple. J'étais ensuite entrée, découvrant la vaste chambre dont les tons restaient entre le mauve et le violet. De hautes fenêtres permettaient de voir le grand jardin qui entourait le temple et donnaient une vue directe sur le portail et les grilles isolant le temple de la ville. Il y avait de nombreux arbres fruitiers dans cette partie du jardin si bien que les ombres des feuillages se profilaient sur le sol et les meubles de la chambre à travers les carreaux de verre.

Décrochant mon regard de cette vision je le tournais vers le doux visage de porcelaine d'Evangéline. Ses longs cheveux châtains reposaient en une natte fermement tressée sur son épaule, soulignant la pâleur de sa peau sur laquelle ressortait d'autant plus le bleu intense de ses grands yeux rieurs. Sa bouche fine, toujours prête à sourire, s'ouvrit tandis qu'elle m'adressait à nouveau la parole :