—Choisis !

Taï ne sait par où commencer. Il se lance pourtant au hasard, sachant qu'il a peu de temps avant que ses parents ne se mettent à sa recherche. Tous les Grils s'écartent de leur travail et le saluent à mesure qu'il progresse. Il s'équipe d'une dague et d'un fourreau qu'il attache autour de sa cuisse droite; deux épées de petite taille pour placer dans son dos en forme de croix; des bracelets de cuir recouverts d'un métal très résistant lui protègent les avant-bras. Il en est de même pour le bas de ses jambes, ainsi que son torse. Réfléchissant longuement, il observe attentivement autour de lui avant de rejoindre Falghot.

—Je pense avoir tout ce qu'il me faut.

—Te voilà très équipé dis-moi. Mais tu ne protèges pas ta tête ?

—Je me sens assez lourd comme ça, et un casque ne ferait que me ralentir. Les sauraux sont très rapides, et...

—Nous voilà donc fixer sur ton objectif. La prophétie est donc en train de se réaliser.

Un peu embarrassé d'avoir vendu la mèche, Taï fait part de ses volontés avant de partir.

—Si mes parents viennent ici, dis-leur que je suis venu voler ces biens, que personne ne m'a aidé. Cela vaudrait mieux pour tout le monde.

Le garou qui souhaite l'accompagner jusqu'au bout, se fraie un chemin entre les Grils. Avançant fièrement, il lève les yeux vers son cavalier et viens s'assoir près de lui.

—Non mon ami, lui dit Taï d'un ton triste. Je ne veux pas risquer ta vie. C'est mon combat, je sais que j'y arriverai. Mais ne t'inquiète pas, je reviendrai très vite.

Une dernière caresse sur le dessus du crâne et le voilà qui s'éloigne du groupe vers le fond de la salle. Le garou gémi, voyant son ami disparaître dans l'obscurité en laissant derrière lui un silence de mort. Tout le monde observe attentivement ce qu'il va se passer. Soudain une lumière jaillit, elle devient de plus en plus aveuglante, forçant les Grils et le garou à fermer les yeux. La caverne est aussi étincelante qu'un soleil, il est impossible d'y voir. Puis la lumière perd de son intensité pour ne laisser que les ténèbres. Taï est parti rejoindre son destin. La terre a été changée à jamais. Des villes comme New York sont entièrement détruites. Les buildings se sont effondrés, entraînant dans leur chute les immeubles les plus fragiles. Il reste encore quelques habitations à moitié debout et la nature reprend peu à peu ses droits. Des herbes hautes poussent en plein milieu des routes envahies de véhicules abandonnés. La seule vie qui subsiste est celle des chiens affamés, en quête d'un repas. De la roche noire recouvre d'immenses zones, vestige des cauchemars de Nils. Quelques humains se sont réfugiés dans les anciennes galeries de métro épargnées par les attaques. Ils forment des clans vivant en autosuffisance. Des petits groupes sont chargés de remonter à la surface pour chercher des vivres, d'autres s'occupent de la cuisine, des soins ou des derniers enfants. Il arrive que les sauraux débusquent un de ces clans pendant une ronde. Les adultes sont tués sur le champ et les enfants emmenés de force. Pour eux, c'est un nouveau billet vers l'enfer. Les captifs de tout un continent sont transportés par avion ou bateau vers l'ancienne Europe, afin d'être présentés au chef des Sauraux et transformés à leur tour. Toutes les grandes villes du monde ont le même aspect de désolation. Il y règne une ambiance pesante, celle d'un holocauste. Les campagnes et régions sauvages ne sont pas plus épargnées. Là où les cauchemars n'ont pas sévi, les sauraux ont posé le pied à la recherche de proies ou de prisonniers frêles et innocents. En Italie, une grande lueur illumine les décombres. Les rebelles à la recherche de nourriture, quittent cet endroit pour se réfugier. Le fils de Lisbeth est passé d'un monde à l'autre. Quand il ouvre les yeux, il découvre un environnement qui lui est totalement inconnu. Debout sur un sol instable jonché de débris, il contemple longuement cet endroit où la mort s'est installée. Des ruines d'une ancienne ville s'étendent à perte de vue et la puanteur qui s'en dégage rend l'atmosphère presque irrespirable. Il décide d'explorer les lieux et traverse ce qui devait être autrefois une grande rue. Soudain, son regard est attiré par un papier poussé par le vent poussiéreux. Il le saisit au vol et pour la première fois de sa vie se met à lire un vrai texte imprimé. C'est une publicité pour un restaurant gastronomique du centre-ville. Au bas du papier, il peut lire l'adresse. Le voilà maintenant au courant de son lieu de destination. Ses parents lui ont appris à lire et lui ont également enseigné les noms des villes et pays de leur monde. Rome est loin d'être le point d'arrivé auquel il s'attendait, mais il doit faire avec. Au loin il aperçoit ce qui ressemble à l'ancienne tour de Pise. Presque couchée, elle n'est plus qu'un vestige d'une époque révolue. La moitié de sa façade s'est effondrée, ainsi que les bâtiments adjacents. Pas une âme ne semble vivre dans cet endroit et il se demande s'il n'est pas trop tard. Le ciel s'obscurcit, et quelques gouttes tombent. Marchant inlassablement à la recherche de survivants, il brave la pluie transformant la poussière au sol, en une boue épaisse. La visibilité est de plus en plus incertaine et le bruit de l'eau crée une agitation qui l'empêche d'être attentif au moindre mouvement. Malgré cela, il sent une présence qui l'observe. Quelque chose semble vivre dans ces décombres. Il marche lentement, les pieds dans la boue, scrutant la moindre petite pierre en mouvement. Soudain, il aperçoit un bloc de mur qui s'effrite. Juste derrière, une présence humaine tente de se cacher dans ce qu'il reste d'un immeuble. Immédiatement, il se lance à sa poursuite et grimpe sur les morceaux de murs tombés au sol. Il arrive enfin près d'une fenêtre et pénètre à l'intérieur du bâtiment.

Les enfants de Toulghar, tome 3, la dominationWhere stories live. Discover now