~~Chapitre 1~~

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— Vous avez entendu ce qu'a dit le Capitaine, si les vents nous sont favorables nous arriverons dès demain. Il faut vous décider !

Les yeux brillants d'émerveillement, Eléanor étale sur ma couchette les plus belles robes de ma toilette et m'interroge du regard.

— La rouge, évidemment la rouge conclut-elle par elle-même avant que j'approuve son choix sans enthousiasme.

Bien que trop clinquante à mon gout, je sais que cette robe taillée par un Milanais réputé ferait fureur dans n'importe quelle soirée mondaine londonienne. J'imagine aisément les Ladys jalouser son style et ces Messieurs s'enthousiasmer pour son décolleté audacieux. Eléanor lisse de sa main son tissu soyeux, la douceur de l'étoffe sous ses doigts la rend rêveuse. Elle me l'apporte en la serrant précieusement contre buste. Avec sa peau crémeuse et ses formes généreuses, je devine aisément que cette robe lui irait à ravir. Quant à moi, depuis sa confection, je ne l'ai jamais porté. Mon inconscient avait sans doute déjà fait le choix bien avant moi de la réserver pour cette occasion si particulière.

Elle insiste pour que je l'essaie et sans même attendre mon approbation, s'empresse de m'enfiler un jupon et un corset indispensable pour que les courbes de mon corps épousent parfaitement la robe.

Cette tenue ne se prête guère au climat tropical dans lequel je m'apprête à passer le reste de ma vie. J'étouffe littéralement sous tous ces froufrous, mais je sais que je n'ai pas le choix si je veux faire bonne impression.

Qu'arriverait-il si je n'étais pas au goût de mon fiancé ? Père m'a dit que cela avait peu d'importance, que l'alliance qu'impliquait un mariage l'emportait toujours sur la superficialité de ce genre détail, mais cette crainte ne me quitte pas. Mon regard croise le miroir qui me fait face et je m'observe avec appréhension. Je ne réponds en rien aux standards de beauté actuels : trop maigres, pas assez pâle et trop peu soumise pour satisfaire un époux exigeant.

Je porte une main timide à mes cheveux relevés avec simplicité, leur blondeur est ma seule fierté.

Ai-je fait le bon choix ? Arrangée par mon oncle le duc de Standford, cette union qui me conduit jusqu'au Nouveau Monde est la seule proposition intéressante qui m'avait été faite. Ma famille bien que noble manquait d'argent, si nous avions longuement réussi à sauver les apparences, la rumeur de notre ruine avait fini par se répandre dans toute l'Angleterre. Sir Simon Crowell, le gouverneur de Port royal s'était volontiers plié à ce fâcheux détail. J'étais jeune, de nobles sangs et mon père sous l'influence de ma belle-mère, avaient volontiers consenti à m'envoyer à l'autre bout du monde.

En apprenant mon départ, mes amies s'étaient indignées de mon sort. Je les avais rassurés en leur certifiant que j'étais satisfaite de cette nouvelle vie qui s'offrait à moi. Avais-je été naïve ? J'étais las d'une vie aristocratique dont le protocole rythmait un quotidien routinier qui m'encombrait. Ma belle-mère me menait la vie dure et depuis mon plus jeune âge, je rêvais d'une vie faite d'aventures et de libertés.

C'est ainsi que je me suis retrouvée fiancée à Lord Chuck Bass, neveu du gouverneur, jeune officier au service de Sa Majesté missionné pour éradiquer la piraterie locale. Bien que tout jeune gradé, son courage et son succès étaient remontés jusqu'aux oreilles du roi. Mon futur époux était promis à un brillant avenir. J'imagine que sa carrière dans la marine impliquerait de longues absences loin de moi et que le fait qu'il se frotte aux pirates ne le mettait pas à l'abri d'une mort précipitée.

Je me pince les lèvres honteuses de me réjouir de cela.

— Je ne comprends pas vous êtes affreusement menue pourtant votre taille est à peine marquée !

Band of Pirates (en pause)Where stories live. Discover now