Arthur Lechevalier

Chapitre 2

2.

Jacques monta dans le premier carrosse. Il avait un rendez-vous important, et savait que sa venue était attendue sans retard. La famille qui l'attendait mangeait à des heures fixées depuis des décennies. Il tira le rideau de son compartiment et pria le chauffeur d'accélérer.

Il avait le temps, tout de même, de lire la lettre de son ami qu'on venait de lui apporter ce matin. « Mon ami, j'ai entendu parler de la grande beauté de mademoiselle de Licourt, mais je ne sais où je peux trouver cette femme, peux tu me tenir informer ? Peut-être sera-t-elle mon futur amour Jacques ? Qu'en dis-tu ? Ton ami. Arthur »

- Oh ça non ! dit-il à voix haute en se mettant à rire.

Son grand ami avait dix ans de moins que lui, leur histoire d'amitié était très forte. Ils se connaissaient l'un comme l'autre très bien. Jacques aimait son ami pour son esprit vivace, et sa nature franche, c'était cela sa véritable qualité d'amitié. Il vivait sa vraie nature sans artifice et ne se cachait pas de ces défauts. Il riait encore. Arthur tomber amoureux ? C'était une farce ! Il consommait les femmes comme du petit sirop, Jacques se mettait à parier dans son for intérieur qu'une autre raison que l'amour le poussait à trouver mademoiselle de Licourt.

Il était enfin arrivé chez les Petits. Cette illustre famille vivait encore dans les bonnes manières aristocratiques. Le père, Jean Petit était un ancien ami du défunt Lechevalier. Bien que maintenant rien ne liait ses deux familles, il fut un temps où Jean était très attaché à leur famille. Son amitié envers monsieur Lechevalier était si forte qu'il était considéré comme son propre frère. Jaques était devenu quant à lui un ami de la famille Petit depuis le jour où sa nièce, Fanny s'était mariée avec le frère de Jean.

Jacques se tenait à quelques visites dans le mois et conversait le plus souvent des nouvelles de leur famille. Jamais en revanche, il ne parlait de la famille des Lechevalier. Apparemment Jean ne supportait pas la réputation tachée de son ami. Ainsi, Jacques ne mentionnait jamais sa relation d'amitié avec Arthur, le fils qui jouait un rôle dans les injures, les opinions révoltes, et les scandales de la famille.

- Jacques, s'exclama Madame Petit en s'empressant de le saluer. Venez dans le salon nous vous attendons !

C'était une grande femme, très mince, habille avec chic et sobriété. Elle tenait dans ses mains un vieux chat gris. Elle s'assit dans le salon et le garda sur ses genoux. Le chat ronronnait et se laissait caresser sans bouger.

- Mesdames, Monsieur, dit Jacques en se courbant par politesse.

Madame Petit était assise à côté de sa fille Marie. Il ne l'avait encore jamais vue. Elle venait seulement d'avoir l'âge de se montrer à des hommes. Elle était si belle qu'il n'osait pas trop la regarder longtemps. Un visage fin, rempli de grâce, des longs cheveux bruns indiscipliné, mais tout de même prisonnier d'un chignon. Quelques mèches ondulées tombaient par mégarde le long de sa nuque. Elle était mince tout comme sa mère, et paraissait même fragile. Son visage était encore celui d'une jeune fille avec l'innocence de l'amour et des difficultés de la vie. Pourtant le climat de cette famille ne semblait pas être simple. Marie, en effet, avait peu de conversation avec sa mère, car elles ne s'entendaient pas bien. Elle vivait ses longues journées, la plupart du temps, seule, à lire au bord de sa fenêtre. Elle aimait la visite de son amie Lucie, car toutes deux rêvaient de rencontrer l'homme qui changerait leur vie. Plus Jacques la regardait plus il perdait pied. Son assurance dans le ton de sa voix lui faisait défaut. Elle était si belle... Voilà une femme pour mon ami Arthur ! pensait-il. Ou peut-être pour lui ? Pourquoi ne pensait il qu'à son ami quand il voyait pareille beauté ? Il n'avait certes pas le charme et la fortune d'Arthur pour obtenir tout ce qu'il désirait, en revanche il était sûrement un homme plus stable que des parents rêveraient d'offrir à sa fille.