Chapitre 2

20 3 2
                                    

Nous passâmes un immense portail noir garni de pointes dorées acérées. Curieuse de découvrir mon nouveau lieu de vie, je glissai ma tête par la fenêtre du carrosse. Nous étions sur une longue allée bordée des deux côtés par des vergers aux couleurs resplendissantes. Il y avait des fruits de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Devant nous se dessinait le plus grand bâtiment que j'avais jamais vu. Le côté du château qui nous faisait face possédait quatre tours : une dans chaque bord et deux autres qui encadraient la lourde porte d'entrée en bois massif, renforcée avec des décorations métalliques noires. Juste au-dessus de cette dernière, une rosace multicolore qui contrastait à merveille avec les briques grises et les toits noirs du château.

Nous arrivâmes bientôt devant la bâtisse et notre moyen de transport s'arrêta à environ trois mètres de l'entrée. La porte s'ouvrit et le cocher nous aida à descendre. Le château semblait encore plus grand depuis les murs au pied desquels se trouvait un chemin en gravier faisant le tour du château, délimité par une petite plate-bande aux fleurs multicolores. Nous nous avançâmes vers les portes qui s'ouvrirent sur notre passage. Je jetai un regard incertain à ma mère et celle-ci répondit en hochant de la tête comme pour m'encourager.

Suivant mon père, je pénétrai dans un grand hall lumineux. Au-dessus de nos têtes était accroché un lustre gigantesque qui illuminait la pièce d'une douce lumière, lui donnant une atmosphère chaleureuse. Tout dans cette pièce donnait une impression de richesse et de luxe qui me faisait un peu peur. Droit devant nous se dressait une immense porte en bois sculptée avec soin, et au-dessus d'elle se trouvait un petit balcon que deux escaliers rejoignaient depuis notre étage, dessinant un demi-cercle. Ils étaient tout en marbre blanc, lequel se mariait à merveille avec le doré de leur barrière ainsi que de celle du balcon. Le sol, quant à lui était en dalles jaune doré alors que les murs étaient jaune pâle. Sur les côtés, deux portes donnaient sur des couloirs décorés de la même façon. Mon père s'arrêta et l'on vit descendre un curieux bonhomme de l'un des escaliers. Il était plutôt grand mais svelte. Ses cheveux noirs coiffés vers l'arrière et ses petits yeux sombres lui donnaient un petit air étrange. Il portait un costard rayé violet et noir sur une chemise blanche. En nous apercevant, il arbora un sourire trop prononcé à mon goût.

- Charles de Beaumiroir ! Enfin vous voilà !

- C'est un plaisir de vous revoir, mon cher Arnoldus.

- Oh, et voici toute la petite famille ! Bienvenue à la Cour de sa Majesté, le Roi Xavier IV ! nous salua-t-il en nous montrant toutes ses dents.

- Je vous remercie monsieur Arnoldus, répondit ma mère sur un ton solennel.

- Je vous en prie Madame, je ne suis que le Premier du Roi, ce « monsieur » est inutile.

- « Le Premier » dites-vous ?

- Oh ! Mille excuses ! J'oublie que vous n'êtes pas habitués au langage de la Cour, pouffa-t-il gentiment. Cela signifie le premier serviteur, c'est moi qui m'occupe à tout ce qui touche au secteur de sa Majesté : aussi bien d'accueillir ses invités que de m'assurer que ses draps soient lavés correctement ou que ses plats soient faits comme il le désire. Je suis un peu son homme à tout faire.

- Vous devez avoir beaucoup de travail.

- En effet, mais m'occuper de mon Roi est très divertissant. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer vos chambres.

Il nous conduisit dans le couloir situé à notre gauche et nous emmena jusqu'au bout de celui-ci. Là, il nous désigna deux portes en bois côte à côte.

- La chambre de gauche est pour les parents et celle de droite est pour la demoiselle.

Il nous fournit nos clés respectives et promit de revenir nous chercher un peu plus tard pour nous emmener voir le Roi, puis il disparut dans le couloir.

Je me plaçai devant la porte de ma chambre, la toute dernière du couloir et attendis quelques secondes avant de l'ouvrir. J'allais me retrouver seule, dans une pièce que je ne connaissais pas.

- Après tout, mes parents sont juste à côté, je ne suis pas toute seule essayai-je de me rassurer.

Je poussai la porte et découvris une chambre accueillante et confortable. Les murs bleu ciel étaient percés de cinq fenêtres en tout : deux autour du lit deux places, au pied duquel se trouvait un coffre en bois de noyer ; et les trois autres sur le mur droit. Dans le coin, à gauche du lit se tenait une haute armoire du même bois que celui du coffre. La chambre était aussi munie d'un bureau avec une chaise confortable que je me réjouis de pouvoir utiliser pour écrire à mes amies. Il y avait aussi deux fauteuils bleu marine et une table basse dans le coin à ma droite.

J'entrai lentement, mes chaussures s'enfonçant légèrement dans la moquette bleu azur. Je m'approchai d'une des fenêtres à ma droite et pus découvrir qu'elle donnait sur une allée bordée d'arbres qui menait à un kiosque blanc surplombant la vallée.

- L'endroit parfait pour des fiançailles royales, pensai-je tout haut, une once de peur dans la voix.

Cela m'horrifiait, penser que la famille royale se trouvait sûrement dans le même bâtiment que moi me rendait malade.

J'allai m'asseoir dans l'un des deux fauteuils, me demandant bien ce que je pourrais faire de mes journées à part m'ennuyer ici. A ce moment, on toqua à la porte. C'était une jeune fille d'environ mon âge, elle portait une jolie mais sobre robe brune recouverte d'un tablier blanc.

- Bonjour Mademoiselle, je viens pour vous aider à vous préparer pour voir le Roi.

Je la laissai entrer malgré la surprise que j'éprouvais à l'idée qu'on m'aide à me préparer.

- Est-il vraiment nécessaire que vous me prépariez ? Ne puis-je pas le faire seule ?

- Le Roi pense qu'une jeune fille telle que vous devrait être aidée à s'habituer aux habitudes de la Cour me répondit-elle sur un ton monotone.

- Dans ce cas, merci, fis-je avec un sourire qu'elle ne me rendit pas.

Elle me fit signe de m'asseoir au bureau et y posa un petit panier qu'elle avait apporté. Elle me coiffa d'un chignon sophistiqué puis me demanda :

- Avez-vous d'autres robes, Mademoiselle ?

Ce « Mademoiselle » me mit très mal à l'aise mais je n'osai lui dire quoi que ce soit.

- J'imagine que certaines sont déjà dans l'armoire, d'autres devraient arriver d'ici quelques jours avec le reste de mes affaires.

Elle se dirigea vers celle-ci et choisit la robe que j'avais portée pour le mariage de mon frère.

- Oh, n'est-elle pas un peu trop festive ? De plus, je ne sais pas si elle me va encore

- C'est typiquement ce que les dames de la Cour portent, nous allons l'essayer si vous le voulez bien.

Je me dirigeai vers elle, hésitante. La seule chose que me rappelait cette robe était qu'il fallait la porter avec un corset, la pire invention de lêtre humain à mon goût après les guerres et les mariages forcés.

Je n'y coupai pas. Cela me donnait vraiment l'impression que mon souffle avait été réduit de moitié. Une fois la robe rose pâle enfilée, j'avais vraiment l'impression de ressembler à une poupée pour les enfants ou à une mariée le jour de ses noces. Je n'avais vraiment pas envie de la porter mais je fis taire mes pensées.

On toqua à nouveau à la porte. La jeune servante m'enfila encore les petites chaussures nacrées puis s'enfuit pour laisser place à Arnoldus qui venait me chercher, accompagné de mes parents.

- Mademoiselle Roselyne ! Vous êtes resplendissante !

Je fixai le sol, pensant plutôt être ridicule.

- Bien ! si vous êtes prête, allons voir le Roi !

Une Sorcière à la CourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant