1 : Le rituel

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-Ainsi on peut dire que la mort est le commencement d'une vie.

Le prof nous regardait par dessus ses lunettes, les yeux brillants d'une joie enfantine, tout fier de la conclusion qu'il avait tirée de son raisonnement philosophique. En revanche, la classe ne partageait pas du tout sa passion pour cette matière. En ce moment, on dirait une bande de paresseux à l'heure de la sieste. Et j'en fait partie. Pas que la philo ne m'interresse pas, mais je trouvais ce cours un peu abstrait. Après la mort, il n'y a rien non ? Le paradis a été inventé par la peur des hommes, leur besoins de protection, de sentir que quelque-chose veillait sur eux.

Et les enfers ? Balivernes! Ils ont été inventés par de hommes avides de pouvoir et de contrôle. Cela dit, qu'est-ce que la fin ?

Aïe, ça y est me voila avec un mal de crâne. Ça m'apprendra à réfléchir sur des sujets pareils...

Je laisse donc le prof gesticuler dans tous les sens et me remis en mode veille. Le blabla du prof était à peine devenu un écho que le beuglement strident de la cloche me sortit de ma torpeur. Dieu merci il arrête enfin de parler ! Ça devrait être interdit de nous casser les oreilles un vendredi soir. Mais bon. Une journée en moins! Et un weekend devant moi!

Je rangeai tranquillement mon cahier dans mon sac à l'instar des autres élèves et me dirigeai vers la sortie. Je marchais lentement dans les couloirs peints d'un jaune hideux à t'en faire fondre les yeux tout en scrutant le sol de carrelages noircis par les allées et venues de la semaine. Mon inspection du carrelage fut interrompue par une voix plus que familière :

-Lucille !

Je me retournai et souris à mon interlocuteur

-Oui Sam ?

-Alors tu viens à la fête Halloween chez Alex ?

Je soupirai. Il sait très bien que je ne peux pas mais il tentait de me faire changer d'avis. Il est incorrigible.

-Sam, tu sais bien que j'ai autre chose à faire. On est vendredi et le vendredi c'est sacré.

-Allez pour une fois, s'il te plait. Ça va être trop bien. Tu ne peux pas rater une soirée comme celle là ?

-Je lui ai promis Sam

-Mais tu y vas toutes les semaines, tu peux bien faire une exception pour aujourd'hui ?

Le brun me regardait de ses yeux implorants. Ils sont d'un magnifique bleu océan, soulignés par des tâches de rousseur. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement : il me faisait sa moue de chien battu. Oh non mon chou, ça ne prendra pas avec moi ! Il se rapproche encore plus de moi et je peux voir la supplication dans ses prunelles. Un milliard de petites étoiles brillant toutes dans un même but : me faire craquer. J'aurais presque pu céder mais ma raison m'en empêcha. Je devais rester concentrée sur mon objectif.

-Une promesse est une promesse. De plus, ça fait cinq ans aujourd'hui. Ce soir plus que n'importe quel soir je dois y être.

-Bon d'accord alors. Ce que tu peux être têtue ! Mais là prochaine fois c'est moi qui gagnera et tu peux me croire tu viendras avec moi.

-C'est ce qu'on verra. Les paris sont lancés. Sinon amuses-toi bien à terroriser les enfants chez Alex.

Sur ce, je me retournai et continuai mon chemin, songeuse. Je m'en veux un peu de rater la fête et de laisser Sam seul mais c'est ainsi. Comme je l'ai dit, aujourd'hui est un jour spécial. Le 31 octobre n'est pas que le jour d'Halloween pour moi, c'est bien plus. C'est le jour de la mort de ma sœur, Anna. Cela fait 5 ans jour pour jour qu'elle a été emportée par la maladie. J'avais 14 ans à l'époque, j'en ai 19 maintenant. Depuis ce temps ma vie a bien changé. Désormais je suis rentrée à la fac et étudie le droit. Je vis toujours chez mes parents mais la maison semble plus vide.

Je secouai ma tête pour chasser ces tristes pensées et regardai autours de moi. Le carrelages de la fac a été remplacé par des pavés, les murs jaunes par des façades de vieilles pierres. J'empruntais toujours la vieille ville le vendredi. C'est plus atypique. Au détours d'une rue, je m'arrêtai devant un fleuriste et achetai une rose blanche.

Au bout de quelques minutes, j'étais arrivée à notre colline, en périphérie de la ville. Elle est le symbole de l'ancien temps. Du bon temps. Celui où nous nous amusions sur cette même colline. Où nous riions quelquefois et nous chamaillions souvent. Où nous rêvions de notre avenir, avenir qu'elle n'a pas connu. Je soupirai à cette pensée, triste de ce que nous avions perdu ce jour là.

Arrivée en haut, je pris quelques instants pour admirer la ville plongée dans la nuit. Le vent vint gentiment me chatouiller le visage. Je m'assis sur l'herbe fraîche mouillée par la rosée du soir, adossée à un vieux chêne et je contemplai la pleine lune brillant dans le ciel d'un noir d'encre. Un silence parfait régnait autour de moi.

Machinalement, je sortis de ma poche un bracelet d'argent ayant jadis appartenu à ma sœur. Il était simple mais élégant : une fine chaîne reliait les deux bouts d'une tablette. Sur l'une des faces étaient gravés les mots "pour toujours et à jamais". De l'autre côté, ce mot simple "vis". Je le regardait pensivement, les yeux embués. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que tu partes si tôt ?

Je m'en souviens comme si c'était hier. Ce jour fatidique où l'on t'a diagnostiqué une maladie encore inconnue de nos jours. On t'a immédiatement fait passer des tests pour connaître sa gravité. "Tout va bien, la maladie est inoffensive, elle dort en toi mais ne menace pas ta vie" avait dit le médecin. Il avait tort. Songeuse, je me repassais toute l'histoire dans ma tête.

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C'est la fin du premier chapitre ! J'espère que ça vous a plu. N'hésitez pas à me donner votre avis. Il fait environ 1000 mots. Je ne sais pas si c'est bien, mais je pense que oui. Sur ce je vous dit au weekend prochain pour le nouveau chapitre. ; )



Le pacte du DiableWhere stories live. Discover now