Je me servis un verre d'eau. Mes doigts tremblaient et j'avais envie de l'envoyer valser. Je l'imaginais déjà se fracasser sur le mur, asperger les meubles, le parquet, les morceaux de verre pleuvoir sur les surfaces, abîmer le tapis dégueulasse que le propriétaire avait collé sur tous les murs de l'espace à vivre...

Toutefois, je serais celle qui devrait tout ramasser. Comme si je n'avais pas déjà à faire avec le bordel qu'avait laissé l'équipe scientifique... James aiderait peut-être parce qu'il était dans une position précaire mais Will ne ferait sûrement pas grand-chose. Il me servirait son excuse habituelle « je fais déjà la cuisine et la chambre en plus de travailler à la clinique, je ne vais pas tout faire ». Et moi, quand je bossais au magasin après mes heures à la fac, je devais encore me taper le ménage de l'appartement et de ma chambre. Parfois, je ne le faisais pas. Et Will finissait toujours par me le faire remarquer.

Depuis la disparition de Candice et les premiers messages, il s'était montré un peu plus cool avec moi. Moins à cheval sur le ménage et la tenue de l'appartement. Par contre, si je venais à exploser mon verre contre un mur, il ne me laisserait pas tranquille.

J'avais besoin d'air. Il fallait que je sorte d'ici, que je puisse réfléchir sans interférences. Que je m'éloigne d'eux. Que je bouge, que je prenne l'air, que je m'épuise. Que je me vide l'esprit. Dès le lendemain, la vie normale reprendrait. Les cours, le boulot... Tout cela m'aiderait à penser à autre chose mais pour le moment, j'avais besoin d'espace.

Je gagnai l'entrée et récupérai mon manteau. Les voix des garçons s'interrompirent brusquement.

- Sky ? Où tu vas ? demanda William.

- Je vais faire un tour. J'ai pris mon téléphone.

Je ne laissai à aucun d'entre eux le temps de réagir et je sortis. Je dévalai les escaliers, sautant les dernières marches, atterrissant sur le carrelage humide et crasseux du hall de l'immeuble. Je me retins de justesse à la rambarde pour ne pas tomber sur les fesses. Je sortis dans l'air froid et la bruine glacée. Je pris une profonde inspiration avant de commencer à avancer sur le trottoir à peine déneigé et salé. Certaines boutiques étaient fermées à cause de la neige. La plupart étaient illuminées et il y en avait même qui arboraient encore leurs décorations de Noël.

Je regrettai rapidement de ne pas avoir pris mes gants. Mes mains enfouies dans mes poches s'engourdissaient déjà à cause du froid mordant. Malgré ça, je ne comptais pas rentrer de si tôt. Maintenant que j'étais dehors, en dépit du risque que ça représentait, je me sentais plus légère, plus libre. Moins étouffée. Enfin j'étais seule avec moi-même.

Marcher sans but, sans réfléchir, s'était toujours avéré thérapeutique. Il en allait de même pour courir. En l'occurrence, j'aurais préféré courir mais avec tout le verglas sur les trottoirs, ça serait le meilleur moyen de me casser les deux jambes. Il ne me restait donc que marcher.

Je cessai de penser aux meurtres, aux mensonges, aux complots, aux théories, au danger. Je redécouvris mon quartier, laissant mon regard glisser sur les façades des maisons, sur les voitures couvertes de poudre blanche, sur la boue qui salissait le bord des trottoirs. Les nuages couvraient tout d'une nuance de gris sinistre et la fine pluie qui tombait n'allait pas tarder à se transformer en neige.

Je marchai longtemps. Toute notion d'heure m'échappa, au bout d'un moment. Mon esprit s'était vidé et mes pieds allaient où bon leur semblait. Exactement ce que j'avais recherché en sortant. Lorsque la neige se mit à tomber, ce fut le signal que mon escapade avait assez duré.

En regardant autour de moi, je vis que j'étais tout de même à une bonne vingtaine de minutes de l'appartement. Je soupirai, mon souffle formant un nuage blanc épais devant mon visage. Je fis demi-tour, direction mon immeuble. La neige ne me dérangeait pas tant que ça. Je n'avais aucune envie de rentrer et d'être à nouveau confrontée à tout ce que j'avais abandonné quelques heures auparavant. J'étais tellement mieux dehors, à faire comme si personne n'était mort...

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