Quand j'ai perdu confiance (1/3)

Depuis le début
                                    

Étrange. Le Maître était-il encore debout ?

Je saisis ma chance et m'engouffrai dans le couloir sombre, me cognant sur les parois. J'avançais lentement ; d'un coté, je voulais obtenir des réponses, de l'autre, la vérité me faisait terriblement peur. Et si l'image que je m'étais faite du Maître était complètement fausse ?

Soudain, la main qui me servait de repère quitta le mur pour tomber dans le vide. J'étais arrivée au bout du couloir. Il ne me restait plus qu'à faire un pas pour entrer dans le salon. Plus qu'un pas pour confronter le Maître.

Je balayai la pièce silencieuse du regard. Contre toute attente, elle était vide. Les lampes ne brillaient pas, à l'exception du petit écran vert abandonné sur le canapé. Son clignotement instable illuminait les coussins de cuir là où Meiré aurait dû être assis. Où était-il s'il n'était pas ici ?

Quelque chose clochait. Alors que je m'apprêtai à faire demi-tour, deux grands yeux rouges apparurent soudainement dans le noir.

Cette vision épouvantable m'arracha un cri de frayeur.

— Maître ! hurlai-je en me cognant contre la paroi de marbre.

— Mais que fais-tu là ? s'exclama Meiré au même instant avec stupéfaction.

Un silence pesant suivit notre rencontre inattendue. Ses pupilles rouges se plissèrent.

— Comment es-tu sortie de ta chambre ? réitératif d'un ton inquisiteur.

— La porte était ouverte... murmurai-je tout bas en joignant nerveusement mes mains, incommodée par ses questions qui sous-entendaient que j'avais commis une faute.

— Il ne fait même pas encore nuit ! gronda-t-il. Tu ne manques jamais une occasion de t'échapper !

Meiré lâcha un râle exaspéré avant de se rapprocher du mur aussi silencieusement qu'il était arrivé.

— Avec le bruit que tu as fais, j'ai cru à une intrusion, grommela-t-il en appuyant nonchalamment sur l'interrupteur. Et cette odeur...

Il ne termina pas sa phrase. L'appartement s'illumina d'une légère lueur orangée, dévoilant Meiré dans toute sa hauteur qui se frottait le visage comme s'il avait été arraché au sommeil.

Je blêmis aussitôt en le voyant. Il n'était recouvert que d'un simple voile brun en guise de robe de chambre. Le tissu fin ne suffisait pas à cacher ses formes monstrueuses. Ce n'était plus la silhouette aux chemises et pantalons bien taillés à laquelle j'avais été habituée.

À la place, je découvris des lèvres violettes qui contrastaient avec une peau effroyablement pâle, des jambes traversées par de longues veines noires, des pieds gris aux ongles crochus, une musculature sèche qui laissait ressortir des os pointus à chaque articulation.

Je reculai en grimaçant de dégoût. Quelle horreur ! Ce corps déshabillé m'avait rappelé celui de Charles. J'y retrouvai les mêmes traits, les mêmes marques.

— Qu'y a-t-il ? broncha Meiré en fronçant les sourcils.

— Rien ! m'exclamai-je en fuyant son regard. Je suis désolée de vous avoir réveillé. Je vais aller me recoucher...

Il me dévisagea avec une pointe d'agacement dans les yeux, maintenant son long bras posé contre le mur pour me bloquer le passage.

— Tu me vouvoies, maintenant ?

Je serrai les dents, ne sachant plus comment lui parler. Il m'était devenu étranger. Comment avais-je pu me montrer aussi familière dans le passé avec ce monstre ? Comment avais-je pu imaginer l'ombre d'une amitié avec cette créature froide et repoussante ? Plus jamais ! Plus jamais je ne me permettrai de lui parler comme si nous étions proches ! Plus jamais je ne me laisserais avoir par cette illusion ! Il n'y avait plus rien à dire. Depuis le début, je m'étais trompée. Je n'avais pas réalisé ce que Meiré était. Un éternel. L'ennemi. L'envahisseur !

Les chiens des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant