Sauver ma sœur

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Elle... elle est partie. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment mais elle est partie... loin de moi. Ils l'ont attrapé par la taille, l'ont drogué pour qu'elle se taise et l'ont jeté sur la moquette sale de leur fourgon noir comme si elle n'était qu'une vulgaire poupée. C'était rapide mais pourtant discret. La scène s'est déroulée devant le nez des passants mais pourtant ils n'ont pas réagi, ils continuaient leur chemin tout en me regardant de travers, me croyant fou. La mafia est plutôt douée pour organiser ce genre d'enlèvement en pleine rue mais elle terrorise assez les gens pour leurs faire croire qu'ils n'ont rien vu ni entendu.

Fou de rage, je me dirige vers le bâtiment qui sert de "camp" à William. En arrivant, deux de ses hommes de mains me bloquent le passage. Je leur explique que leur chef serai ravie de me voir. Ils se regardent puis m'ouvrent la porte, à contre cœur. Je m'élance dans le long couloir et fonce tête baissée jusqu'au fin fond de cet horrible bâtiment. J'ouvre la porte brièvement et vois William, assis dans son grand fauteuil, les jambes sur son bureau. A mon avis, il m'attendais. Je reste paralysé devant cet être sans cœur. Tout ce qui l'intéresse, c'est l'argent et la gloire. Il souhaite prouver à l'Angleterre que la mafia est une vrai profession, et non du criminalisme. Je trouve toute cette conclusion grotesque. Ils prennent dans la rue des pauvres gens sans abris et les obligent à mendier et ce sont eux qui empochent le tout. Lorsqu'on me parle de ces malfaiteurs, j'ai envie de leur casser le cou. C'est agressif pour un homme d'origines bourgeoises, mais j'ai changé depuis ma fugue, il y a sept ans...

William ne m'a toujours pas regardé mais c'est lui qui lance le feu :
- Tu veux récupérer ta sœur, c'est ça ? dit-il d'un ton moqueur avec un sourire en coin.
- Tout d'abord, je refuse que tu la traite comme un objet, et ensuite, combien tu veux ?
- 20 000 livres feront l'affaire.
- Et où veux-tu que je te les trouve ? dis-je en haussant la voix.
- Tu as une mère qui t'aime et qui serait prête à faire n'importe quel sacrifice pour toi, non ?

Il n'eut même pas le temps de respirer à la fin de sa phrase que je l'étrangle comme je ne l'ai jamais fais auparavant. Toute la rage que j'avais en moi sort enfin. Non... Il faut que tout ça cesse... Il le faut, pour ma sœur. Je le lâche après trente bonnes secondes puis je le fixe droit dans les yeux :
- Ne parle plus jamais de ma mère, compris ?
- D'accord, calme-toi ! dit-il avec une goutte de transpiration sur le front. Si tu veux, tu as ta sœur pour 15 000 livres. Ça te va ?

Je ne lui réponds pas et repars, un peu plus calme. Il n'y a qu'un seul moyen de payer cet rançon : demander de l'aide à ma mère.

Je prends le bus en direction de la banlieue Sud-Est. Je n'arrive pas à croire que je vais revoir ma mère après tant d'années. Je pensais que tout était oublier, que je ne penserais plus jamais à elle. C'était le cas, avant que ma petite sœur ne fasse son apparition. Autrefois, je n'avais qu'en tête la haine que j'éprouvais pour cette ville et ses voleurs, ses escrocs où encore ses briseurs de vie. Ils ont gâché la mienne et celles de plein d'autres personnes. Mais je refuse qu'ils abîment l'avenir de Jane, elle ne le mérite pas. C'est pour cela que je vais tout faire pour la sauver, quel qu'en soit le prix.

En descendant à mon arrêt, je tremble comme jamais auparavant : ma mère me fait peur. Que va-t-elle penser, lorsque je serais en face d'elle ? Pour le savoir, il faut que je la vois, que je la regarde droit dans les yeux.

Je prends enfin mon courage a deux mains, toque à la porte et découvre la femme qui était la seule à me comprendre : Mary. Je lui saute dans les bras aussitôt. C'est elle, c'est elle qui m'a sauvé de ce malheur de rester dans cette chambre sinistre. Au départ, elle étais surprise mais à présent elle semble avoir compris. Compris que c'était moi, le fils dont elle rêvait. Ce n'est pas du tout de la vanité, c'est elle même qui me l'a dit à l'anniversaire de mes dix-sept ans.

Je relâche Mary deux minutes plus tard et elle me regarde avec compassion. Je lui explique la situation. Elle me prend par la main et m'amène au salon principal. Ma mère est dans son fauteuil, sa tasse à la main, en train de regarder par la fenêtre. Elle dit d'un ton monotone sans même nous regarder :
- Que se passe-t-il, Mary ?

Mary ne lui répond pas. Elle semble attendre quelque chose. Sans réponse, ma mère décide de se retourner. Comme elle a vieilli... Elle est ridée du front jusqu'au menton. Elle a des cernes sous ses yeux ; elle ne doit pas beaucoup dormir : elle semble pleurer tout les soirs. Elle me fixe longuement jusqu'à ce qu'elle se mette à pleurer pour la première fois devant moi. Je n'avais jamais eu le sentiment de culpabilité. Je sens une boule dans ma gorge, un mot veut sortir :
- Maman...
- Mon fils... Pardonne-moi j'ai été trop loin. Après que tu sois parti, je n'avais pas compris la leçon. Je m'étais dit que tu n'étais pas comme les autres, alors je me suis mise en tête que ta sœur ne fuguerait pas. Mais elle l'a fait. Car elle est comme tout le monde. L'humain a besoin de liberté. Et mes petits oisillons ne voulaient plus rester dans leur volière. Et je m'en veux terriblement. Si tu ne veux pas revenir, je comprendrai. J'ai été une mère horrible...
- Maman, je suis venu pour te demander quelque chose de très important. La vérité c'est que, par ma faute, Jane à été enlevé par William...
- William ? Le sous-chef de la Mafia ? s'exclama ma mère.
- Oui... Et il demande une rançon.
- Combien veut-il ?
- 15 000 livres...
- Il n'y a pas de problèmes. Je vais te donner tout ça et tu vas lui donner.
- Merci mille fois, maman !

Elle me donne l'argent, je l'embrasse et je pars attendre le prochain bus. Je suis tellement heureux. Malgré ma mission non terminée, je garde espoir que ma mère nous reprendra à bras ouverts, Jane et moi. Et que l'on pourra vivre comme une vraie famille, cette fois-ci. Après une bonne demi-heure d'attente, j'arrive enfin chez William. Je rentre dans son bureau et lui montre juste devant son nez ma liasse de billet. Il essaie de la prendre mais j'ai tout juste le temps de la remettre dans ma poche. Puis je dis d'un ton affirmé :
- Ma sœur d'abord et après l'argent.

William appelle ses gardes et ils viennent trente secondes après. Ils détiennent ma sœur. Ils ne connaissent ni Dieu ni Diable, ça se voit. Pauvre Jane, elle a un œil au beurre noir ainsi que des bleus sur ses bras. Je sais ce que c'est, la drogue. Et ce n'est pas très beau. William leur fait signe de la relâcher et elle tombe comme une brindille. Je la rattrape de justesse elle me touche la joue délicatement. Je me sens apaiser un instant jusqu'à ce que William ne me touche la tête avec le canon de son pistolet. Sans même me retourner, je lui donne l'argent puis il me dit et c'est sans doute la dernière phrase que j'entendrai :
- Tu m'as bien mis des bâtons dans les roues mais maintenant c'est fini, passe un bon voyage en enfer !

J'entends un bruit sourd puis, tout noir.

Je hais ce monde, je hais les humains.

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