France Libre - Chapitre 12

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Samedi 5 décembre 1942

Ce matin j'ai pris mon vélo. Car en effet la France Libre est active même, vu d'ici, on ne peut pas forcément s'en rendre complètement compte faute de coup d'éclat. Mais cependant les agents de liaisons et les radios, de ce que j'en sais, sont régulièrement sollicités. « Et ça, ai-je vraiment le droit de le dire ou plutôt de l'écrire? » me dis-je aussitôt. Après tout je ne trahis personne. »

Le courrier, une fois déposé dans les différentes boites aux lettres, je retrouve Angélique dans l'arrière salle d'un restaurant de la Place Saint Jean. Lorsque je l'aperçois, je la trouve préoccupée... par qui ? Par quoi ? Je ne resterai pas très longtemps dans l'ignorance. Elle me confie rapidement dans la conversation : « Depuis l'arrivée des troupes allemandes, je suis particulièrement oppressée. Et contrairement à certains de mes proches, je ne me suis pas fait recenser ». Je suis bouleversée par ce qu'elle vient de m'avouer. Moi comme toi, cher carnet, ne devons jamais parler, du moins le temps de cette guerre qui me semble de plus en plus interminable.

Le 28 novembre dernier, l'Île de la Réunion s'est ralliée à la France Libre. Un tiers de la garnison de Djibouti qui était jusque là aux côtés du gouvernement vichyste décide se rallier aux Alliés avec armes et bagages. Le dernier jour du mois, la Somalie française et l'Île de la Réunion ont rejoint officiellement la France Libre du Général de Gaulle. Le premier décembre, les installations portuaires de Bône et d'Alger subissent des bombardements de l'aviation italo-allemande.

Je continue mon travail qui s'intensifie pour Bernard et Kim, en raison de l'invasion de la zone Sud il y a presque un mois. Plus que jamais la Gestapo est sur nos traces. Il nous faut redoubler de prudence. Je décode de toute urgence ce jour même un message : « Heckler pas faire confiance à l'Abbé ». Le lendemain un nouveau message arrive : « Cuthbert à l'abri ». Devant l'urgence, j'enfourche mon vélo pour déposer ce second message.

Mardi 15 décembre 1942

A dix jours de Noël, je sais bien que ce ne sera encore pas un Noël comme les autres. « Comme les autres, c'est-à-dire ? » pensai-je d'un coup. Ce que je veux dire un Noël en famille, tous réunis. Même si cela fait déjà deux fois que ce n'était plus le cas, je ne m'y habitue pas. Même si nous n'étions jamais allés à la messe ni n'avions brûlé un cierge dans une église, nous fêtions Noël qui n'est pas seulement une fête religieuse; Quand on est enfant, on n'en retient que les cadeaux.

Dans la journée, j'ai appris que le Général Legentilhomme avait pris ses fonctions de Haut Commissaire à Madagascar. Et cela suite à l'accord entre Eden, le ministre des Affaires étrangères britannique, et le général de Gaulle de confier aux Français Libres l'administration de l'île.

Mardi 29 décembre 1942

Encore un réveillon marqué par les restrictions dans tous les sens du terme. Pourquoi « restrictions » ? Et bien cela me parait simple, très simple. A ce réveillon il manquait non seulement mes grands-parents qui vivent en Normandie et qui venaient fêter Noël avec nous avant guerre, mais il manquait cette année également mon père qui, lui, jusque l'an dernier était présent et dont je n'ai toujours plus aucune nouvelle. Il y a, de plus, les rationnements. 

Lyon, La résistance traboule - Tome 1:  Journaux de GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant