chapitre premier

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Elle s'appelle Vivianne, mais tout le monde l'appelle Vivaldi

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Elle s'appelle Vivianne, mais tout le monde l'appelle Vivaldi. Comme le compositeur italien. Ce surnom glisse entre les lèvres des autres élèves de l'école, et leur langue semblent chanter une chanson lorsqu'ils prononcent ce mot simple. VIVALDI.

Elle est très belle, Vivaldi. Elle a des cheveux noirs comme de la suie après un feu de bois, qui viennent border la frontière de ses pupilles. Le bout de ses mèches chatouille la surface de ses épaules, et dès qu'il y a du vent, elle les laisse s'éparpiller un peu partout, et ses boucles forment un halo de fourrure autour d'elle. Dans son teint clair se creuse des fossettes, lorsqu'elle rit. Des yeux en amande arpentent son monde, et dans son regard, elle parvient à tout dire. Elle a cette manie, ce petit détail, qu'elle fait constamment. Elle se gratte le bout de son nez en trompette, et des fois, il finit tout rouge. On dirait qu'elle est ivre, quand c'est le cas.
Vivaldi s'exprime de toutes les manières qui puissent exister. Elle cri ses paroles, chante ses pensées, dessinent ses histoires, mais surtout, elle joue du piano. C'est juste dommage que je n'ai pas le courage de lui dire à quel point c'est joli.

Je ne comprends pas vraiment pourquoi on la surnomme Vivaldi. C'était un violoniste, ce vieil homme, pas un pianiste. Peut-être parce qu'il avait écrit « les quatre saisons » et que cette jeune fille arrivait à toutes les mélanger dans sa musique. Enfin, il n'y avait pas que ça. Lorsqu'elle jouait du piano, elle mettait sa joie, sa haine, sa tristesse, son désir, son amour. Et je l'observais, derrière la porte de la salle de musique, le sourire aux lèvres, alors que j'écoutais les notes qu'elle jouait. Une fois, j'avais sorti mon téléphone, et j'avais enregistré la mélodie. Le soir, je m'étais allongé sur mon lit, les bras en croix, et j'avais joué le morceau. Ce n'était pas la même chose que de l'entendre pour de vrai, mais je me sentais comme si j'avais un petit morceau d'elle à côté de moi, et ça me faisait drôlement plaisir.

*

Le ciel est sombre et sans étoiles, comme toutes les nuits dans la ville de Paris. Le trottoir est humide, et en poussant la porte de l'immeuble, le chat de M. Seguin me salue d'un miaulement rauque, alors qu'il est assis dans les buissons de pétunias qui bordent l'entrée. Ça fait cinq années que l'ascenseur du lotissement est hors service, et personne n'a encore appelé de réparateur. Le papier sur lequel est écrit en grosses lettres « HORS SERVICE » jaunit au fil du temps, et lorsqu'il devient trop vieux, c'est la femme qui habite en face qui le change. C'est une vieille dame, et une fois, elle l'avait écrit sur un papier rose et avait dessiné des fleurs autour. C'était beau.

J'habite au dernier étage. L'appartement est petit, pour une famille de quatre. Ma grande-sœur passe son BAC cette année, après, il y aura une chambre de plus, de l'espace, et de l'air moins pollué dans cette foutue baraque. Je sors mes clés de ma poche, et les enfonce dans la serrure. « C'est moi, j'annonce en mettant le pied à l'intérieur. Il y fait plus chaud, et le blabla de la TV arrive jusqu'à mes oreilles.

— Salut Sam, » me lance Alexandra depuis le canapé, une carotte à la main. Ses longs cheveux roux cascadent le long de ses épaules, et ses pupilles claires sont braquées sur l'écran de la TV. Elle croque dans son légume orange plusieurs fois de suite, en mâchant grossièrement. Ça craque dans sa bouche, et elle fait presque plus de bruit que l'homme derrière l'écran. Elle a des écouteurs qui encadrent son cou, et à leur surface, je devine les dessins enfantins de superman et d'onomatopées de comics repassées en lettres rouges. « Papa et maman ? » je demande, et elle me répond qu'ils arrivent dans cinq minutes. Je ne prends pas la peine de demander où ils sont, et vais poser mon sac dans ma chambre.

Mon doigt glisse sur l'interrupteur, et une guirlande de petits soleils illumine la pièce. Mon sac s'écrase contre le plancher, et je m'écroule sur le matelas de mon lit. Je souffle, épuisé par le quotidien de ma vie. Autour de moi, des affiches de cinéma décorent les murs. Celles des années 80, les plus belles. Je me tourne vers celle de « the goonies » et le souvenir de moi et de Paul en train de partir en courant de la librairie de la ville d'à côté me revient. Je l'ai volé cette affiche, le magasin n'avait ni caméra de surveillance, ni truc qui fait bip-bip à l'entrée. Je ne me souviens avoir couru comme un dingue, et je ne sais même pas si on nous a vu. Dans tous les cas, je n'y remettrais jamais les pieds, à cette librairie. J'entends la porte d'entrée claquer, et je comprends qu'il s'agit de mes deux parents qui viennent de rentrer. « Sam ! » clame Alex, pour m'inciter à les rejoindre. Je sors de ma grotte en soupirant. Ma pause n'a pas duré très longtemps.

VivaldiWhere stories live. Discover now