Prologue

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Les ombres grandissaient dans la vallée verdoyante à mesure que le soleil déclinait dans un ciel de début d'automne. Au loin, les rayons dorés se perdaient dans les brumes des montagnes lointaines. Les deux petits bergers n'allaient pas tarder à rentrer chez leurs parents avant que l'obscurité ne recouvre l'épais bois qu'ils devraient traverser pour regagner la chaumière familiale. Leurs parents les avaient mis en garde des dangers qui venaient du profond de la forêt et de ses ténèbres. On racontait que des créatures s'y terraient afin d'attirer les enfants et les jeunes gens inconscients du danger pour les rendre pareils à eux-mêmes ou les dévorer. Personne n'en avait jamais vus ; tout du moins, personne qui ne fut en vie et en entier pour en témoigner. Les gens parlaient du grand méchant Loup, d'une sorcière qui aimait manger les petits enfants au déjeuner après les avoir engrossés avec du pain d'épice et des sucreries et même d'un terrifiant dragon qui se terrait dans une grotte au pied des montagnes. Mais ce n'étaient jusqu'à présent que contes et légendes. Et les deux enfants n'y croyaient guère malgré les mises en garde répétées de leurs parents et des autres adultes du proche village où ils vivaient. Pour eux, ce n'était qu'un moyen d'éviter que les enfants ne se montrent désobéissants en agitant le spectre d'une peur ancestrale.

Alors qu'ils rassemblaient leur troupeau dans l'étable, la fillette reconnut leur père au loin qui était venu les chercher.

« Père ! S'écria le garçon en accourant auprès de lui. Comme nous sommes contents de te voir. Nous allions rentrer.

— Hansel ! Gretel ! Tout s'est bien passé ? S'enquit leur papa.

— Oui, tout a été calme.

— Très bien, les enfants. Maman a préparé une tarte aux pommes pour le dessert. J'espère que vous avez été sages, que vous ne vous êtes pas aventurés dans les bois ou que vous n'avez pas parlé à des inconnus.

— Oui, père, nous n'avons pas fait de bêtises, » répondirent les deux enfants en chœur.

Alors que Hansel fermait la porte de l'étable, Gretel jeta un coup d'œil au loin, au-delà des collines. On y apercevait la silhouette floue d'un grand château surplombant une vallée se détachant dans un ciel aux teintes rosâtres. Cependant, quelque chose d'indéfinissable entourait ce lointain palais, une ombre maléfique semblait l'envelopper dans un léger manteau de ténèbres. Gretel avait remarqué ces changements ces derniers mois, comme si cette mystérieuse ombre se faisait de plus en plus menaçante.

« Petite sœur, l'appela son frère alors qu'il commençait à suivre leur père en direction de la maison, si tu ne te dépêches pas, on va rentrer à la maison sans toi.

— Père, fit la fillette sans détacher ses yeux du château perdu dans l'horizon.

— Oui ?

— C'est quoi, ce château au loin ? »

Le père blêmit légèrement ; ces terres ne faisaient pas partie de leur royaume, mais ce palais avait une sinistre réputation. Quoi qu'il en soit, il n'aimait pas cacher ou embellir la vérité. Ce ne faisait qu'attiser la curiosité des enfants, et pas seulement des siens.

« C'est le château de la Reine Élisabeth du royaume de la Rose Rouge. On dit que c'est la plus belle femme qui soit, mais qu'elle est redoutable et dangereuse. Que c'est une grande sorcière aux pouvoirs terrifiants. On dit même qu'elle a assassiné sa belle-fille dont elle jalousait la beauté. Depuis, tout son royaume semble plongé dans une sorte d'obscurité maléfique.

— Vraiment ? Fit Gretel fascinée.

— Ce ne sont pas des terres hospitalières, continua le père. Rien de bon n'y pousse, la végétation y est rare et les animaux sont souvent malades ou très amaigris. Beaucoup de paysans ont tenté de fuir la misère et la famine qui les menaçaient. Peu y sont parvenus et ce sont d'eux que nous avons su ce qu'il s'y passait.

— Ils exagèrent peut-être, avança Hansel.

— Peut-être, concéda le berger. Mais, quoi qu'il en soit, il est étrange que seules ces terres soient aussi désolées et ainsi plongées dans la pénombre. »

Le père se tut quelques instants. Rien que l'évocation de cette femme et de ce Royaume le faisait frissonner. Bien sûr, comme l'avaient souligné ses enfants, il y avait sans doute une bonne part d'exagération, comme tout conte qui se respecte. Mais ces rumeurs étaient trop persistantes pour ne pas contenir une part de vérité. Lui-même, dans sa prime jeunesse, avait déjà entendu moult légendes dont certaines lui paraissaient trop farfelues pour être réelles. Mais tout de même, elles revenaient souvent dans la bouche des paysans pour être dénuées de tout fondement.

D'un geste, il se releva et prit la main de ses enfants.

« Nous devrions rentrer ou votre mère va s'inquiéter, » fit-il.

Joyeux, les deux enfants ne pensèrent plus qu'à la bonne tarte aux pommes qu'ils mangeraient pour le dessert.

Au loin, l'ombre qui planait sur le lointain château continuait de s'étendre. Et au plus profond du cœur de la sombre forêt, retentit le hurlement d'un loup.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 21, 2016 ⏰

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