'till the end of the line

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Elle s'arrêta devant un grand restaurant. Même avant la fugue d'Emily ce n'était pas le genre d'endroit où elle serait venue en famille, c'était trop chic pour elle.

Elle inspira un grand coup et entra dans le restaurant. Elle eut un choc. Tout était tapissé de rouge et d'or, un grand lustre pendait au plafond et de nombreuses glaces tapissaient les murs. Les serveurs étaient en costume et Emily se sentit aussitôt mal à l'aise. Ce n'était pas le genre d'endroit où elle traînait d'habitude et elle était pieds nus, en vêtements froissés, déchirés, poussiéreux.
Elle ne se sentait vraiment pas à sa place, ce n'était pas son monde. Pourtant elle voulait bien utiliser l'argent que sa mère lui avait donné alors elle prit sur elle. Elle alla à une table au fond de la salle, dans un endroit calme éloigné des autres. Elle avait vraiment horreur de la foule.

Emily toucha la nourriture du bout de sa fourchette. Cela lui semblait étrange, presque ridicule. Ce n'était pas un plat qu'elle voyait d'habitude.
Et pour cause, elle ne fréquentait pas ce genre d'endroit mondain. Elle préférait largement voler des sandwichs aux comptoirs des petits fast food. C'était rapide et moins cher.
La nourriture de ce restaurant était néanmoins délicieuse et elle se resservit de la viande trois fois avant de déclarer forfait.

Entre temps elle avait remarqué que ce restaurant lui paraissait vaguement familier, et pour cause: elle avait lu un article de presser où il était écrit que Howard Stark venait souvent y manger. Elle avait donc passé une bonne partie de la soirée à se dévisser le cou pour tenter de le voir arriver, sans succès.

Emily reprit aussitôt ses repères, humant l'air doux et les effluves qu'elle aimait.
Ce restaurant était bon, mais elle n'aimait vraiment pas cette ambiance feutrée et calme.
Il lui fallait du vacarme, maintenant.
Elle se faufila dans les ruelles sombres, habituée à l'obscurité et aux dédales que les passants ne se risquaient pas à traverser. Elle n'avait qu'un seul but qui lui tendait les bras: la Statue de la Liberté. Son égérie, en quelque sorte. Elle s'y identifiait assez bien.

Elle traversa à la nage le ponton de Manhattan jusqu'à Liberty Island. Cela ne lui posait pas de problème, elle l'avait fait tant de fois...
Elle se hissa sur la berge en béton et s'ébroua comme un chien. Cela la fit rire. Elle était si libre!
Elle escalada la Statue à mains nues, sans en être spécialement gênée ou fatiguée.
La vue du haut de la couronne était magnifique. Elle voyait tout Manhattan briller de milles feux dans la nuit, et derrière les autres secteurs qui n'étaient pas en reste.
Les lumières se reflétaient dans l'eau, créant un essaim de lucioles factices. Emily, accroupie, posa sa tête dans ses mains et soupira de bonheur. Quelle était belle, sa ville! Même avec le couvre-feu elle étincelait, fière et défiant l'obscurité de la nuit.

Vers une heure du matin il lui fallu redescendre. Elle devait patrouiller dans les villes et veiller sur la sécurité de Brooklyn. Peut être s'occuperait-elle même de Manhattan? L'île lui paraissait très intéressante.
Elle traversa le bras d'eau salée à la nage et se hissa discrètement sur les pontons. Parfois quelques policiers patrouillaient par là, à cause de la maison de Stark dans les parages.
Elle n'y allait jamais. C'était vraiment impoli de venir chez les gens ainsi, sans y avoir été invitée. Elle était une sauvageonne mais elle avait été bien élevée!

Elle traversa Manhattan en courant d'un pas léger, ses pieds nus filant sur le béton agréable et silencieux. Elle aimait cette discrétion, elle aimait se fondre dans les ombres sans laisser de trace.
Elle aimait, depuis toujours, être une espionne.

En se faufilant dans les ruelles étroites et souvent malodorantes de Brooklyn, Emily sentit le prémisse de quelque chose. Elle se stoppa net, humant l'air frais comme un chien, tentant de savoir d'où venait l'étrange sensation d'être en danger dans son repaire, son domaine.
Elle finit par hausser les épaules. Son imagination.

Pourtant, quelques rues plus loin, devant un magasin de robes de mariée à la vitre fêlée et jamais réparée, elle jeta un coup d'œil derrière elle. Elle fut persuadée d'avoir vu une silhouette, peut être deux. Mais elle n'avait entendu aucun bruit.
Plus prudente désormais, elle filait à vive allure, tentant de semer ses poursuivants qu'elle aurait voulu se faire croire imaginaires.

En tournant rapidement dans une ruelle transversale elle les vit. Ils étaient grands, avec des silhouettes élancées et musclées. Elle ne voyait pas leurs visages à cause de chapeaux qui faisaient de l'ombre. Ils avaient des manteaux noirs, et elle aurait juré avoir vu un dessin de pieuvre rouge sur un brassard à leur bras gauche.

Son sang se glaça. En bonne fan de Captain America elle savait ce qu'était ce symbole. Jusque là elle ne pensait pas qu'elle le verrait dans sa vie, mais il était bien là.
Hydra.
Elle se demanda quel était leur problème. Suivaient-ils vraiment consciemment une gamine blonde, débraillée, sale et miséreuse dans les rues de Brooklyn? Pourquoi auraient-ils fait cela? Elle n'avait rien de spécial.

La peur s'accrochait fermement à son ventre et elle accéléra. Elle entendit les pas de ses suiveurs qui accéléraient aussi. Ils ne prenaient même plus la peine de se cacher, ils se savaient repérés.
Elle bifurquait très vite, manquant de rentrer dans les poubelles et de se prendre les angles des maisons.
Elle voulait rentrer chez elle. Maintenant.

Mais elle avait oublié qu'elle était une enfant, et que d'ordinaire elle ne tenait tête qu'à d'autres enfants.
Elle s'en souvint quand elle sentit le tranchant d'une main s'abattre sur sa nuque et vit un voile noir tomber sur ses yeux.

FamilyWhere stories live. Discover now