Chapitre 1 : L'art de trépasser

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Je regardais ma future victime dans les yeux, sentant sa peu peur à l'odeur âcre qui se dégageait d'elle. Je m'éloignais un peu en soupirant.

- S'il v-vous plaît...n-ne me tuez pas...

Je levais les yeux aux ciel, alors que je me retournais.

- Pourquoi ?

- P-pourquoi... ?

Je croisais les bras et plongeais mon regard dans le sien.

- Pourquoi devrais-je te laisser en vie ?

- S'il vous plaît...ma femme et mes enfants m'attendent...

Je décroisais les bras et me retournais en direction de la sortie de l'entrepôt.

- Henry, c'est ça ?

- O-oui.

- Tu sais, Henry, j'avais décidé de t'épargner, ce soir. De te laisser un chance de partir et de survivre.

- V-vraiment ?

Je m'arrêtais subitement.

- Mais plus maintenant. Henry, j'ai tué beaucoup de personnes, elles me supplies toujours de les épargner. Et tu sais ce qu'elles me répondent toujours, quand je leur demande de justifier le prolongement de leur existence sur cette Terre ?

- J-je...

- Elle disent toutes la même chose que toi.

Je me tournais vers lui, le regard indifférent. La semi-obscurité de l'endroit dissimulait pratiquement son corps suspendu à une corde, en équilibre sur un tabouret, au milieu du hangar désaffecté.

- C'est un reflex normal, cela dit. Mentir pour survivre est la seule chose qui vous vienne naturellement à l'esprit dans ce genre de situation.

- C-comment ça...n-nous ?

Je souris, et levais la tête, mes yeux captant un faible éclat de lune passant par les trous de la toiture.

- Allons, n'ai pas peur, Henry. Tu vas bientôt rejoindre un endroit rempli de gens comme toi.

Je me détournais pour la dernière fois, et avant de franchir la porte, agitais la main. J'entendis distinctement le corps de la cible glisser brusquement vers le sol, et le craquement de sa nuque. Il avait eu de la chance et était mort sur le coup. Je marchais tranquillement dans les rues des docks. Il n'y avait personne à cette heure. Il venait juste de pleuvoir et le bitume étaient abîmé à certains endroits, créant de grandes flaques d'eau sale. Les lampadaires étaient presque tous cassés. Je rejoignis ma moto à l'entrée de la zone laissée à l'abandon et l'enfourchais. D'un geste, je mis le moteur en marche, et replaçais correctement le foulard couleur nuit qui me couvrait la moitié du visage. Il ne me restait plus qu'à l'annoncer au commanditaire. Je sortis le téléphone prépayé que j'avais acheté plus tôt dans la semaine avec de l'argent liquide et composais le numéro. Il décrocha dès la deuxième sonnerie.

- C'est fait, annonçais-je d'une voix calme, avant de raccrocher.

Je retirais la carte SIM et la broyais dans mon poing, avant de jeter les débris et le téléphone dans les broussailles non loin. Je relevais la tête et scrutais la lune, haute dans le ciel, éclatante, en attendant que le moteur finisse de chauffer. Enfin, je le fis vrombir, impatiente de sentir le vent d'automne fouetter mes cheveux, et m'élançais. Je marchais avec détachement dans les couloirs déserts. La raison de ce vide était assez évidente, les cours avaient déjà commencé depuis un bon quart d'heure et je voulais éviter le brouhaha inévitable du jour suivant la rentrée scolaire. Je n'avais pas besoin d'assister au balai d'excitations exagérées et des joyeuses retrouvailles.

DésastreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant