Chapitre 1 : Poison - Partie 1

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— On est fermé, grogna-t-il d'une voix peu amène. Vous feriez mieux de partir avant qu'ils ne décuvent assez pour comprendre que vous êtes une femme.

— C'est gentil, mais non, répondit-elle d'une voix fluette. Je suis attendue par messire Panrion.

Il posa son verre et avança son visage vers elle, les yeux plissés, pour mieux la regarder. Elle ne cilla pas. Les pupilles de l'aubergiste étaient pâles, presque translucides, trahissant une cataracte à un stade avancé.

— C'est vous, Indrala ? se prononça-t-il enfin, perplexe.

— C'est moi, sourit-elle. Je vois que l'on vous a prévenu de ma petite visite. Je suis en retard, toutes mes excuses. La circulation sur les routes est effroyable à cette période de l'année.

Il grogna, mal à l'aise. Il se baissa et attrapa une clef sous le comptoir qu'il posa devant elle. L'aubergiste pointa les escaliers à sa droite de la tête.

— Premier étage, dernière porte à gauche. Votre chambre est à côté de la sienne. Ne perdez pas la clef.

La jeune femme s'inclina avec politesse et récupéra le petit morceau de métal. Elle tourna les talons et s'avança vers les escaliers, faits d'un bois aussi pourri que la structure principale de l'établissement. Un crachat la fit se stopper quelques secondes. Elle lança un regard curieux à la salle. Les regards étaient braqués dans sa direction. Elle sourit aux ivrognes, amusée, avant de s'éclipser vers l'étage.

Plus décoré que le rez-de-chaussée, il y avait eu par le passé une volonté de rendre cette partie de l'auberge moins austère. Les murs pourpre écaillés trahissaient la mauvaise qualité de la peinture et dévoilaient les taches de moisissure où un microcosme végétal semblait s'y développer, à en juger par la mousse vert-noir qui dépassait des fissures. Un tapis jaune hideux cachait les trous du plancher qui produisait un craquement inquiétant lorsqu'elle marcha dessus. Lui-aussi regorgeait d'humidité, comme en témoignaient les flaques d'eau qui tapissaient le tissu de taches plus sombres.

Indrala poussa un soupir contrarié qui se mua en grognement lorsqu'elle découvrit l'état lamentable de sa "chambre". Une chanterelle, petit oiseau inoffensif au pelage gris, était perchée sur la tringle à rideaux. L'animal s'enfuit par la fenêtre grande ouverte et éjecta dans la panique une défection liquide qui vint se déposer à côté d'autres sur la moquette sale. Elle ne parvenait même pas à en deviner la couleur originelle tant elle était couverte d'immondices. Avec dégoût, elle s'approcha du lit et renifla sans grande élégance. Elle recula vivement lorsque les odeurs lui brûlèrent les naseaux : sperme, urine, nourriture avariée... Il était hors de question qu'elle pose ne serait-ce qu'un doigt sur ces draps. Avec un peu de chance, son ami avait eu plus de chance et serait disposé à lui laisser son lit ?

Elle sourit et décida d'aller lui rendre une petite visite. Comme le tavernier l'avait annoncé, la porte d'à côté était grande ouverte. D'humeur joueuse, elle passa d'abord la tête pour analyser les lieux. Elle déchanta vite. La pièce ressemblait à la sienne, avec une armoire et un bureau en plus. Installé sur un tabouret à deux pieds - les deux autres remplacés par une pile de livres instables - un homme aux cheveux noirs, tressés à la façon des elfes de l'ancien temps, lui tournait le dos. Concentré sur un parchemin, il trempait sa plume dans l'encrier et griffonnait avec hâte sur le papier, inlassablement.

Elle leva les yeux au ciel et secoua la tête. Les siècles passaient, mais lui ne changeait pas. Un éclat malicieux passa dans son regard et elle s'approcha sur la pointe des pieds pour le surprendre. Elle avait presque atteint son objectif quand une voix rocailleuse s'échappa de sa proie.

— Mousse de Vitruor, feuilles de lys, ambre et vanille. Si tu souhaites me surprendre, je te conseille de changer de parfum. Les femmes ici sentent au mieux le crottin de cheval.

Tyrnformen | En réécritureWhere stories live. Discover now