deux

5.1K 283 35
                                    

Alice rêvait beaucoup, elle rêvait surtout d'amour. Elle rêvait d'aimer et être aimé en retour.

Elle n'en parlait jamais, par peur d'avoir l'air égoïste : tout le monde désire être heureux.
Elle se contentait de le penser, et parfois la nuit sur son oreiller, elle en pleurait. Elle avait peur que ce rêve s'éternise et ne devienne jamais réalité, et en même temps, elle craignait que la réalité ne soit pas aussi bien que dans ses rêves. 

En fait Alice ignorait tout de l'amour, elle ne l'avait jamais connu.

Elle savait seulement que c'était un problème enfantin, et à la fois assez complexe pour un adulte. Et Alice n'était ni l'un ni l'autre. À dix-huit ans, elle ne savait pas dans quelle case se ranger ; elle n'était pas encore une adulte, mais évidemment elle n'était plus une enfant. Et cette chose entre les deux, l'adolescence, cette période de transition, elle l'avait vécu. Elle en était sortie sans séquelles, et elle a eu de la chance, car ce fut les pires années de sa vie.

En effet, se découvrir homosexuelle à quinze ans, elle, ça ne l'a pas fait rire. Elle s'est prit un mur que beaucoup ont traversé sans même s'en apercevoir. Puis elle est tombée de haut jusque dans un trou très sombre, et la voilà handicapée à vie !

Quoi qu'il en soit, son meilleur ami est homo lui aussi, alors, elle se sentait moins seule...

Selon une étude, il y aurait 10% d'homosexuels en France. Alors si l'ont suppose que la population française soit composée de 50% de femmes, il y aurait donc 5% de femmes attirées par les femmes. Alors dans un amphi de 400 personnes comprenant environ 60% de femmes, il faudrait calculer 5% de 60% pour trouver la part de femmes homosexuelles et ensuite il faudrait en déduire le pourcentage des filles susceptibles de lui plaire et trouver la probabilité qu'elle plaise aussi à ces filles.

Ses chances de rencontrer l'âme sœur dans cet amphi se réduisaient alors à quelques millièmes – si le résultat n'était pas négatif. Du moins c'est ce qu'elle en avait conclu en plein cours de littérature ; alors que 399 élèves prenaient des notes sur le Romantisme, elle, faisait des mathématiques.

Mais Alice n'a jamais été douée pour ça. De toute évidence, elle ignorait comment calculer des pourcentages ; ses opérations étaient toutes erronées, et elles n'avaient aucun sens. 

En fait, Alice détestait les chiffres.  


Image: Photographie de Maia Flore

MadameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant