prologue

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- Ne fais pas ça. Ne pars pas. Pas encore.

Il a dit ces mots sur un ton tellement suppliant que ça achève de me briser le cœur. Je lui tourne le dos mais je sais que ses yeux sont rivés sur moi, qu'il attend une réponse, un geste, quelque chose pour lui prouver que je suis là, que je vais y rester, que je ne compte pas repartir. Mais est-ce que j'ai envie de repartir , après tout ? Non, bien sûr que non. Je sais que ma place est ici. Qu'elle l'a toujours été, mais que j'ai jamais eu le courage de l'admettre. Je réponds sans me retourner.

- Tu sais très bien que je ne le ferais pas.

- Tu l'as déjà fait une fois, me reproche-t-il d'un ton bien plus froid à présent.

Touché.  Ses mots m'affectent bien plus qu'il ne peut le penser, mais je ne suis pas en position de lui montrer. Après tout, il a raison. Je n'ai rien à répondre, puisque ce qu'il dit est vrai. Une larme m'échappe et je l'essuie rageusement avec ma manche. Je sens sa main qui se pose doucement sur mon épaule et qui me force à me retourner, à l'affronter. Je finis par lever les yeux vers lui. Les siens ne me lâchent pas une seconde. Ils sont les mêmes qu'avant. Noirs. Mais pas le genre de noir qui fait peur, qui donne froid. Non, le genre de noir dans lequel on a envie de plonger pour ne plus jamais remonter à cette surface qu'est la réalité. Ils n'ont pas du tout changé, à une exception près ; la lueur d'humour, de joie, que j'y ai connu n'est plus là. Ses yeux ne reflètent rien d'autre que de la tristesse, de la nostalgie, de la douleur. Et quand je comprends que c'est uniquement de ma faute, je sens mon cœur se fissurer un peu plus, alors que je ne pensais pas qu'il pourrait être dans un pire état. Sa main se rapproche de mon visage , et efface une larme qui s'est attardée sur ma joue. Je ne m'étais même pas rendu compte que je m'étais remise à pleurer. Ce geste si doux, me surprend mais je le laisse faire. Et avant même que je puisse dire un mot ou protester, ma tête est plaquée contre son torse chaud et ses bras sont autour de moi. Je ne peux me retenir de lui rendre son étreinte, et mes larmes continuent de rouler le long de ma joue avant de finir sur son tee-shirt.

Je te comprends pas, dis-je entre deux sanglots. Tu devrais pas être là. Tu devrais me détester. Moi à ta place, je me détesterais. Je me déteste déjà.

Il ne me répond pas, ce qui me réconforte parce que je sais que j'ai raison. À la place de mots cinglants, je sens ses lèvres se poser sur mon front. Mon cœur se met à battre un peu plus fort dans ma cage thoracique, mais je sais que je ne mérite pas ce geste. Je ne mérite pas ce garçon. Je ne l'ai sûrement jamais mérité.


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