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Nous étions en maths. C'était la dernière heure avant la fin, et je regardais la pendule toutes les trente secondes. Je n'étais pas très forte dans cette matière, mais je me débrouillais. J'étais assise au deuxième rang. Comme souvent, c'était Samuel le gosse richissime qui avait les réponses le premier. Cela ne m'énervait pas, parce que j'étais bien incapable de les trouver. Mais cela mettait Julien en rogne, qui ne se gênait pas pour faire des remarques tout en cherchant à vendre des clops aux camarades de la classe.

Alors que la classe était silencieuse, j'entendis Julien murmurer à Allan assez fort pour que toute la classe entende :

« - Espèce de sale lèche-cul ! »

Outrée par tant de grossièreté non-justifiée, je n'ai pas pu m'empêcher de me retourner vers le pseudo-fumeur et de lui mimer un « Chut ! ». Il m'a alors sorti son fameux regard de la-mort-qui-tue, et m'a littéralement fusillée du regard. Ah, mais si tu crois que je vais céder comme ça, tu te mets le doigt dans l'œil. J'affrontai son regard, la tête haute, et un sourire moqueur apparut sur son visage. Il chuchota quelque chose à Allan, qui approuva, et tous deux me fixèrent. Je haussai les épaules et me détournai. J'avais au moins réussi à détourner l'attention de Julien. Samuel me remercia d'un clin d'œil. Je lui souris vaguement en retour, et reportai mon attention sur le cours.

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Il était 23 heures. J'étais affalée sur mon lit, un album photo entre les mains. Je tournais les pages avec nostalgie, me rappelant le temps où mes parents me trouvaient assez bien pour eux. Enfin, assez bien. La démonstration d'amour la plus... Voyante, était celle où ma mère me tenait dans les bras, avec un air mi- dégoûté mi- souriant. Comme si tenir un enfant était répugnant, mais qu'il fallait feindre d'être la plus heureuse du monde. Sympa.

Je soupirai, et continuai à enchaîner les photos d'un geste machinal. Je tombai sur une photographie prise de ma mère enceinte. Elle semblait radieuse, mais si l'on était attentif à chaque détail de son visage, on voyait au fond de ses yeux une lueur résignée et triste. Je m'arrêtai sur cette image, et allas chercher une loupe. Je réexaminai la photo, et m'aperçus que j'avais raison. C'était bien un reflet humide que j'avais aperçu sur sa joue. Ainsi, même lorsqu'elle était enceinte, ma mère était triste à l'idée de m'avoir. Je tournai une dernière fois une page, et tombai sur une photo de mes parents, avant qu'ils ne m'aient, et une d'eux après. Avant, ils étaient souriants, paraissaient très amoureux etc. Et après, c'était comme si quelque chose s'était brisé en eux. Je fermai l'album photo d'un geste sec et l'envoyai balader d'un geste rageur de la main.

Mais mince ! S'ils ne voulaient pas d'enfant, et ben il ne fallait en faire ! Le fixe sonna. Soupirant, je me levai et me dirigeai vers le salon. Je m'emparai du combiné et grognai :

« - Oui ?

- Julie ? Oui, ça ne peut être que toi. C'est ta mère. Nous passons te voir dans deux jours. Ton père a réussi à nous trouver un espace libre entre deux voyages professionnels. Prépare-toi, range, et surtout, abandonne cette voix ronchonne qui ne me plait guère. »

Elle raccrocha immédiatement après.

Tiens donc. Dans deux jours ? Et bien s'ils espéraient que j'allais changer quoi que ce soit dans mes habitudes, et bien ils se trompent. Je reposai rageusement le combiné à sa place.

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Nous étions en cours d'espagnol, le lendemain de l'appel de ma mère. Je n'arrêtais pas de repenser aux photos que j'avais trouvées, et à l'appel de ma génitrice. J'étais assise à côté d'Emi, place choisie par le professeur. Alors que je ruminais de sombres pensées, la jeune timide me fila un léger coup de coude, et je relevais vivement la tête. L'adulte semblait me fixer depuis un moment, et ne se gêna pas pour me dire :

La fille au parapluie bleu [terminé]Where stories live. Discover now