Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)

Prologue - Un mois et demi plus tard...

Trailer par sarjlove - une fois encore, il n'est pas très fidèle, mais c'est toujours sympa quand même :3 Bonne lecture !

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PROLOGUE

{Janvier 2087} Un mois et demi plus tard...

Hannah courait à en perdre haleine, filant à travers les campagnes. L'air de ce mois de janvier était glacial, la buée de son souffle s'élevait vers le ciel gris tandis qu'elle haletait, sans pour autant brouiller les taches informes de lumière incolore qui brillaient toujours devant ses yeux.

Elle s'arrêta un instant pour reprendre sa respiration sur le bord du chemin de terre, courbée sur elle-même. Son cœur battait à tout rompre, et elle était sur-consciente de son environnement ; elle crut entendre des craquements et le tambourinement caractéristique de pas pressés, et elle se remit à courir de plus belle. Les branches sèches et noires craquaient sous ses pieds, lui fouettant les jambes. Sa cape de laine marron claquait au vent, ses bottes de cuir usé martelaient le sentier de terre à un rythme régulier. Elle pénétra dans une forêt épaisse, espérant ne pas être suivie. Elle avait beaucoup couru ; sa gorge était rêche et sa hanche gauche la faisait plier sous un terrible point de côté, mais elle ne pouvait plus se permettre le luxe de faire une halte, aussi brève soit-elle.

Elle avait enfin pu quitter sa chemise grise de bagnarde – et en cet instant critique, c'était la seule chose dont elle pouvait se réjouir –, on lui avait procuré un pull, une jupe large, et des collants à rayures, dont elle était très satisfaite. Et même si elle ne pouvait pas les voir, elle appréciait leur matière, et on lui savait que l'ensemble était en tons bruns et beiges ; ce qui, étant peu voyant, devait être à son avantage.

Sa sacoche cliquetait à ses côtés. Elle contenait un pull et des bas de rechange, des conserves, un quignon de pain, l'argent qui lui restait, son avis de libération, et ses papiers – une feuille jaunie avec des cachets et des sceaux et portant sa photo au-dessous de son nom officiel : Clemence Hawcourt.

Elle repensa à ce qui lui était arrivé ces six dernières semaines. Des souvenirs amers, pourtant si heureux en apparence, remontaient à la surface. Et dire qu'elle y avait cru ! Sa vie lui filait une fois de plus entre les doigts. Elle en aurait pleuré. Forte. Tu dois être forte.

Elle n'avait pas changé. Elle était toujours aussi facile à atteindre et désespérément faible. Non. Tu es Hannah l'Élue. Tu vas t'en sortir. S. M. payera pour tout ce qu'elle t'a fait. Tu n'es pas innocente, tu ne l'a jamais été ; mais le sang des autres deviendra ta boisson quand tu auras accompli ta vengeance.

Elle continua à courir, mais elle continuait à perdre de la vitesse ; c'était comme si ses pieds prenaient petit à petit racine dans la terre. Elle se heurta de plein fouet à une large branche. Le coup la fit vaciller ; elle perdit l'équilibre et tomba dans un fossé recouvert d'aiguilles de pin. Elle resta là pantelante, à attendre que la douleur s'apaise.

Elle sentit rapidement qu'elle n'aurait pas la force de se relever ; alors elle décida de passer la nuit là. Elle étendit sa cape comme une couverture et ferma les yeux. Elle souffla doucement, sa respiration devint paisible, et elle sombra dans un lourd sommeil en rêvant à son douloureux passé...

Et tandis qu'elle dormait dans le fossé rempli de ronces et d'herbes sèches du bas côté, trois hommes en capes violettes, aussi fougueux et déterminé que des chevaux écumants, foulaient la route en laissant derrière eux une traînée de poussière.