31. Apprentie sorcière (2/2)

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— Ils ont été à ce point mauvais ? demanda ce dernier, le sourire aux lèvres, tout en descendant vers elle.

Elle devait céder la place et elle rangea ses affaires.

— Non, c'est juste la perspective des corrections.

Le jeune homme rit. Steve Galton, voilà. Le prof de psycho criminelle.

— Et encore, vous ne faites qu'un remplacement ! Songez à nous, pauvres forçats, qui remettons le couvert trois fois par an, et avec dix fois plus d'étudiants.

— Je ne vous envie pas.

Sur des salutations rapides, elle l'abandonna à ses préparatifs et rejoignit le couloir désert.

Sel, sauge.

Bruyère.

Eau bénite...

Plume d'archange !

Tenter quelque chose était toujours mieux que rien.


Par acquit de conscience, elle vérifia d'abord qu'aucun des autres individus menacés n'avait refusé de quitter les lieux. Ensuite, rassurée sur ce point, elle mit le cap sur Ververy à une vitesse sûrement excessive. Quand elle y parvint, elle fila dans la maison chercher le livre qui renfermait la plume, dénicha une paire de ciseaux, un bocal vide, puis cueillit de la bruyère dans le jardin. Jonathan l'observa en silence, la suivant au fil de ses pérégrinations sans poser la moindre question.

— Désolée, je suis pressée, s'excusa-t-elle en regagnant l'hybride.

— Pas de soucis, répondit-il, mains dans les poches de son tablier.


Sur le chemin de Fernbridge, Laura effectua un détour par un quartier de la périphérie et une église inconnue. Elle se gara, se glissa dans l'édifice désert, remplit son bocal au bénitier le plus proche et déguerpit sans demander son reste. Elle chercha ensuite un coin tranquille, dans une zone industrielle, et déballa son matériel sur le siège passager. Sel, sauge, bruyère, thriller sanguinolent qui servait de réceptacle à une authentique relique, et bocal d'eau bénite.

Un instant, face à ce spectacle, elle céda à une hilarité douloureuse. Voilà à quoi elle en était réduite : à préparer des mixtures improbables en cachette dans sa bagnole. Elle voulut maudire le ciel, mais évita, par précaution.

Elle commença par vider l'excédent d'eau bénite hors de la voiture. Peut-être était-ce sacrilège, mais tant pis. Elle y versa le sel, la sauge, puis émietta la bruyère, mélangea d'un doigt, se retint de goûter. Ensuite, elle ouvrit le roman et en sortit la plume. Un instant, sa beauté, et les souvenirs associés, s'entremêlèrent dans son esprit. Un Ysbrydial n'était pas un démon, mais Michael rangeait toutes les entités non-célestes dans le même sac. Les églises repoussaient, un rien, les créatures anciennes. Plusieurs internautes lui avaient suggéré de prier. Elle n'avait pas d'autre piste.

Elle s'excusa à mi-voix avant de couper soigneusement les barbes de la plume, sur un tiers de sa hauteur environ. Elle rechignait à la sacrifier tout entière dans cette initiative incertaine, sentimentale ou pragmatique, difficile à dire. Elle éparpilla les flocons duveteux à la surface de sa soupe, cherchant un scintillement, une métamorphose, mais rien ne se produisit. On aurait dit une de ces potions que concoctent les enfants à partir de tout ce qu'ils trouvent dans la cour de récréation.

Elle repartit vers Fernbridge, l'esprit embrumé.

Il lui manquait une incantation, elle trouverait quelque chose. Sur le siège, dans son bocal, l'eau bénite clapotait. Laura avait la conviction qu'il lui manquait quelque chose, mais à retourner et retourner encore tout ce qu'elle avait lu ces derniers jours, c'est sa cervelle qui commençait à ressembler à de la compote.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Where stories live. Discover now