Dans la foule, je repère enfin ma rousse préférée, en train de bavarder avec une fille de notre classe. Elle finit par me remarquer et, avec sa discrétion légendaire, lève les bras en l'air pour me faire signe. Elle salue son interlocutrice avant de s'approcher de moi.
Son sourire s'efface aussitôt qu'elle me rejoint.
- On ne te remercie pas, ronchonne-t-elle en allumant une clope. On a dû supporter la mauvaise humeur du prof pendant tout le reste du cours.
- Il n'avait qu'à me laisser pioncer. Tu peux m'en filer une s'te plaît, je rétorque en désignant sa cigarette du menton.
- Démerde-toi, je t'ai refilé la moitié d'un paquet cette semaine.
J'essaie de lui adresser le regard du Chat Potté, mais ça ne semble produire aucun effet.
- Alors, laisse-moi au moins ta fin, s'il te plaît.
- Dans tes rêves. J'ai bien cru que l'heure n'allait jamais se terminer. Là, j'ai besoin de ma dose de nicotine.
Je n'obtiendrai pas gain de cause et la solution qui s'impose à moi me contrarie ; aller quémander autour de moi. En scrutant les environs, je ne remarque aucun groupe de fumeuses, juste des mecs. L'idée de m'approcher d'eux me donne la nausée.
- Tu peux m'accompagner ? j'implore Charlène, les sourcils levant vers le ciel.
- Non, vas-y toute seule, mais ne t'inquiète pas, je ne bouge pas d'ici.
Mes épaules s'affaissent. Charlène ne supporte pas la rébellion qui m'habite depuis deux ans. Selon elle, je me suis forgé un personnage pour me protéger, pour me rendre plus téméraire. Cette individualité ne représente qu'une carapace qui risque de se briser au moment le plus critique.
Même si je m'entête à la contredire, je sais pertinemment qu'elle a raison. Tout à l'heure, face au prof, j'affichais un air serein, mais en réalité, j'étais sur le point de tremper ma culotte.
Il arrive des fois où je ne contrôle plus rien ; ni mes gestes ni mes mots. C'est comme si ma bonne conscience s'éteignait pour mettre en lumière une personnalité malveillante, prête à m'entraîner dans des situations périlleuses. Même si je ne dispose d'aucune commande, je perçois le changement de comportement. Je deviens spectatrice de mon propre corps.
Cette situation survient sans prévenir, à n'importe quel moment. Lorsqu'elle se retire, j'ai l'impression d'avoir pratiqué une séance de sport intense : l'épuisement s'abat sur moi, mes membres se ramollissent et mon rythme cardiaque martèle ma poitrine.
À première vue, on pourrait penser qu'elle joue le rôle d'une protectrice, comme le suppose Charlène. Ça pourrait être le cas, si elle ne se manifestait pas dans des contextes improbables, comme plus tôt avec M. Pommier. Dès qu'il a appelé mon nom, il aurait suffi que je me redresse, que je présente mes excuses et que je me concentre sur sa leçon. Rien n'indiquait un signal de danger.
Arrête de te voiler la face, Perle, tu connais les raisons.
- Excuse-moi, chaton. J'y suis allée un peu fort, culpabilise Charlène.
Je secoue la tête, le regard rivé sur mes cibles. La salive que j'avale me brûle la gorge. Une bonne distance nous sépare, mais la sueur froide commence déjà à perler dans mon dos.
- Attends-moi, j'en ai pour moins de deux minutes, je lui annonce en entamant la marche.
J'atteins leur portée plus rapidement que prévu. Le minuteur s'enclenche dès que l'un d'entre eux, les cheveux noir corbeau et les iris aussi sombres qu'une forêt en pleine nuit, me fait face.
ВЫ ЧИТАЕТЕ
MON EXCEPTION INTERDITE
Любовные романы« Les hommes sont tous les mêmes, Perle. Ne leur fais pas confiance. » Perle suit les conseils de sa mère à la lettre, au point que leur simple présence la paralyse. Si au lycée elle canalise son anxiété, elle ne trouve pas plus de réconfort chez el...
