M. Pommier maintient un ton placide. Aucun trait de son visage ne trahit un signe de colère. Son impassibilité me déstabilise une nanoseconde ; juste assez pour lui donner une satisfaction personnelle. Il maîtrise son self-control avec une aisance magistrale.

La salle plonge dans un silence tendu lorsqu'il contourne son bureau pour s'approcher du mien. Il avance avec sérénité, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon en jean bleu.

Charlène tire discrètement la manche de mon pull, me suppliant de laisser tomber. Je refuse. Ce vieux barbu ne m'impressionne pas, et je compte bien le lui prouver.

Je ne lui accorde pas le temps d'atteindre sa destination. Je recule ma chaise, veillant à ce que les pieds grincent sur le carrelage. Je perçois Charlène murmurer quelque chose pour me détendre. Sans lui attribuer un regard, celui qui pourrait faire vaciller ma décision, je range mes stylos dans ma trousse et ferme mon manuel, sans doute ouvert à la mauvaise page.

- Pourriez-vous m'expliquer ce que vous êtes en train de fabriquer ? ​​​m'interroge M. Pommier une fois à ma portée, son majeur appuyant sur le pont de ses lunettes rectangulaires pour les remonter sur son nez.

- Puisqu'il semblerait que je trouble tout le monde, je vous épargne ma présence, je réplique, les dents serrées.

J'enfouis mes affaires dans mon sac avant d'en extirper mon carnet de correspondance, que je lui tends. Il s'en saisit sans sourciller et dégaine un stylo de la poche de sa veste en jean.

- J'imagine que cette situation vous arrange tout autant, commente-t-il en inscrivant mes prochaines heures de colle ainsi que mon exclusion dans le carnet.

Mes lèvres s'étirent face à sa remarque, plutôt exacte.

- Et vous amuse, ajoute-t-il après avoir terminé.

- Mieux vaut en rire qu'en pleurer.

Une fois ma sentence en main, j'indique à Charlène que je l'attendrai à la sortie du lycée. M. Pommier demande à la déléguée de m'accompagner jusqu'à la vie scolaire et je déguerpis de notre cours de SES*, une demi-heure plus tôt.


⚡⚡⚡


Finalement, ce renvoi m'a offert la possibilité de poursuivre ma sieste dans la salle de permanence, où d'autres élèves somnolaient déjà.

Ils devraient vraiment renommer cet endroit en « salle de repos ».

La surveillante, aussi claquée que nous par cette semaine, nous a permis de sortir dix minutes avant la sonnerie. Aucun d'entre nous ne s'est fait prier ; on a tous déserté le bâtiment en un temps record.

Une fois dehors, je ressens le manque de la chaleur de la pièce. Le visage enfoui dans mon écharpe en laine blanche, je piétine en me frottant les mains.

Le soleil se dissipe doucement derrière les immeubles de la ville, nous enveloppant peu à peu dans un voile sombre, seulement illuminé par les lampadaires. Les nuages qui parsèment le ciel m'annoncent que ce soir encore, ils me priveront de la beauté des étoiles scintillantes.

Après ce qui m'a semblé durer une éternité, la sonnerie libère les élèves emprisonnés dans leurs salles de classe ennuyeuses. Un flot de lycéens s'échappe des murs de ce véritable enfer pour adolescents. Le week-end commence enfin, et le soulagement s'entend dans leurs éclats de rire, se distingue sur leurs visages.

Les plus pressés se précipitent jusqu'à l'arrêt de bus pour obtenir la meilleure place assise. Un petit groupe se faufile discrètement derrière l'établissement pour fumer en cachette. La plupart des élèves se dirigent vers le parking, où leurs proches les attendent. Les chanceux détenteurs d'un permis proposent à leurs potes de les raccompagner. Les plus audacieux, surtout en ce mois de novembre, enfourchent leurs vélos ou trottinettes électriques.

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⏰ Last updated: Oct 21, 2024 ⏰

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