Chapitre 40 - Une aiguille dans une botte de foin

Börja om från början
                                    

Quelques secondes s'écoulent sans que rien ne se passe. Puis Sayan tourne les talons et continue sa route. Mei hausse les épaules avant de le suivre. J'adresse un timide sourire à notre nouvel allié et lui fais signe d'avancer. Il a raison, la présence d'un soldat entraîné ne peut qu'être un atout pour nous. Et plus on est de fous, plus on rit...

Le relief de cette région semi-montagneuse nous épuise rapidement. D'après les informations de Jofen, nous sommes à seulement dix kilomètres au sud de la position de Kalen. Dix kilomètres dans ces conditions ! Heureusement que le temps maussade nous permet de ne pas avoir trop chaud, et que Mei et moi avons subi quelques améliorations avec nos séances de flaster. Il n'empêche que, même si nous suons moins que ce pauvre Raimundo, nous sommes loin d'égaler la forme physique de Sayan. Et puis le relief ne reste pas longtemps notre principal problème. Après seulement trente minutes de marche, nous tombons sur un suppo ouvert au sol, et salement accidenté. L'assise allongée est couverte de sang. Aucune trace du pilote, contrairement à l'appareil suivant qui est encore habité par un selcyn agonisant. Nous nous précipitons pour évaluer la situation. Raimundo reste en retrait, le regard attentif et la main sur la crosse de son arme. Il nous couvre. Le malheureux pilote est dans un état grave. Sayan pose un doigt sur son oreillette et se met à parler dans sa langue. J'hydrate le blessé avec un berlingot, puis Sayan nous explique qu'un des nôtres va venir rapidement pour l'évacuer.

— Comment vous savez que c'est un de vos soldats, et pas un ennemi ? demande le Brasilien.

— Je n'en sais rien, mais je ne laisse personne dans cet état.

Nous ignorons les remarques outrées de notre nouveau compagnon et continuons notre route. Mais plus nous avançons, plus nous rencontrons de blessés, ce qui nous ralentit considérablement. Certains peuvent encore marcher et leur état général ne nécessite pas beaucoup d'interventions de notre part, d'autres doivent attendre l'œuf qui les ramènera à Cassy-7. Le nombre de morts augmente progressivement, et à chaque cadavre que nous découvrons, l'émotion qui me transperce le cœur est toujours aussi intense. Je redoute de tomber sur le beau visage de Kalen, livide et sans vie. C'est lui que je vois quand nous contournons un corps. Je lutte pour éviter la crise de nerfs. Mei me soutient comme elle peut.

De rares hommes refusent d'être conduits chez ceux qu'ils considèrent comme les ennemis du peuple de Selcyon et préfèrent mourir plutôt que d'accepter quoi que ce soit de notre part. L'un d'eux va tenter de sauter à la gorge de Mei, mais les réflexes de Raimundo l'en empêchent. Deux tirs, deux coups à la tête. Nous nous mettons d'accord pour nous faire plus discrets ce qui, immanquablement, nous oblige à éviter les zones denses. J'ai le sentiment de trahir le serment d'Hippocrate en abandonnant ces hommes à leur sort. Mais c'est le prix à payer pour retrouver Kalen à temps.

Nos oreilles se sont habituées aux bruits des lasers et des explosions. Une odeur de métal chaud emplit l'air ambiant, s'immisçant dans tous mes pores. J'ignore combien de temps nous marchons, et combien de suppos dorés au sol nous avons croisés depuis le début de notre entreprise, mais soudain, nous voyons Mei agiter ses bras dans tous les sens. Nous la rejoignons en quelques enjambées. Elle nous désigne d'un doigt tremblant ce qui ressemble à un cadavre de plus. Je mets quelques secondes avant de comprendre son émoi. Le corps est celui d'une femme. Ce qui signifie que nous approchons des armées rebelles. Mon ventre se contracte. Nous faisons une courte pause pour boire et nous partager un gjustre (que Raimundo avale avec peine en maudissant la gastronomie selcyne), et nous nous remettons en route.

Effectivement, après quelques minutes, je perçois dans le brouhaha ambiant des coups de feu, typique des armes terriennes. Je vois également un hélico approcher de la zone d'affrontement, se délester d'un poids, puis repartir alors que des cris atroces s'élèvent, couvrant momentanément les tirs. Qu'est-ce que c'est que ça encore ? Un frisson d'horreur me secoue. Un bref échange de regard avec Mei et Raimundo m'indique qu'ils sont tout aussi inquiets que moi.

Corps étrangers [TERMINÉ] Där berättelser lever. Upptäck nu