Prologue

19 1 0
                                    

Nous étions à Paris en 2022. Les vestiges du confinement s'étaient évanouis, les masques avaient cédé la place à des visages libres, et la vie reprenait son rythme. Il était 5 heures du matin, et la capitale s'éveillait doucement.

La rentrée de septembre laissait son empreinte, transformant l'université Paris-Cité en une ruche bourdonnante d'activité. Les étudiants s'apprêtaient à envahir les différents campus, animés par des rêves grandioses : devenir avocats, juristes, écrivains, sociologues, médecins. Jeunes et emplis d'espoir, ils étaient prêts à surmonter tous les obstacles.

Samuel, 26 ans, était l'un d'entre eux. Originaire de la Haute-Savoie, le brillant étudiant entamait sa thèse de biologie avec détermination. Les recherches, les nuits blanches au laboratoire, les échanges parfois houleux avec ses supérieurs, tout cela ne faisait que renforcer sa conviction. Le jeune homme était résolu, son rêve de devenir chercheur n'était qu'à quelques pas.

Rien ne le destinait à faire de si longues études. Issu d'un milieu modeste, personne n'avait soutenu ses ambitions académiques. Ses parents l'imaginaient plutôt dans un métier manuel après une formation courte. Pourtant, Samuel avait toujours étonné par ses résultats brillants et son acharnement. Toujours le premier debout, toujours volontaire, il savait qu'il devait travailler dur pour atteindre ses objectifs. 

Déjà levé, à 5 heures du matin, c'était l'aube d'un nouveau chapitre de sa vie. Des pages vierges à remplir, voici ce qui caractérise la jeunesse. 

Assis au bord de son lit, il passa une main dans ses cheveux bruns et soupira. Ses sourcils broussailleux se froncèrent. Avait-il pensé à acheter du café la veille, lors de son arrivée dans la capitale ? Ses yeux bruns parcoururent chaque recoin de son 13m², l'appartement pouvait être qualifié d'insalubre. Malheureusement, faute de pouvoir se permettre un loyer exorbitant à Paris, il se contentait d'un logement délabré aux abords de l'université.

Après avoir fixé une fissure au mur pendant quelques secondes, il se leva et s'étira. Athlète confirmé, Samuel débutait chaque journée par un jogging. Il enfila son short de sport et un tee-shirt blanc, fourra sa gourde et son téléphone portable dans son sac à dos, puis quitta sa chambre de bonne.

Dans un autre arrondissement, une jeune fille dormait profondément. À la différence de Samuel, elle ne se réveillera pas avant midi. Elle avait consacré sa nuit à la rédaction du plan de sa thèse de pharmacie. Pour elle, cela méritait bien une grasse matinée. Le terme "mériter" semblait un peu fort ; en réalité, Clotilde n'avait jamais été une lève-tôt. Convaincue d'être génétiquement programmée pour travailler la nuit et se lever tard, elle assumait pleinement son rythme atypique.

Elle aussi résidait dans une chambre de bonne, en tant qu'étudiante modeste. Cependant, son espace était décoré avec goût : tableaux chinés à la brocante, tapis, rideaux à fleurs, tête de lit en osier. Endormie dans ce cocon coloré, la jeune femme de 24 ans évoluait dans un environnement à la fois esthétique et chaotique, son sol jonché de vêtements. Comme beaucoup de jeunes femmes, son dressing était toujours trop petit, regorgeant de robes et de chemisiers à fleurs.

Yeux clos, elle rêvait. Clotilde était une rêveuse, toujours plongée dans ses pensées, de jour comme de nuit,, même lorsqu'elle conversait avec d'autres personnes. Elle rêvait du futur, de sa thèse, d'une grande maison, d'amour. Elle était semi-présente dans sa propre vie, toujours ailleurs.

Belle, élancée, parée de beaux cheveux châtains, Clotilde attirait l'attention avec ses grands yeux noirs et profonds. Taciturne, elle était souvent qualifiée de froide. Pourtant, elle savait qu'elle était sensible, bien plus qu'elle ne l'admettait. Il lui était simplement plus facile de dissocier, de s'évader et d'enfouir ses émotions.

En rupture avec sa famille, elle avait, comme Samuel, développé un penchant pour l'indépendance excessive. L'environnement toxique imposé par ses parents durant toute son enfance avait profondément marqué sa vision du monde : pessimisme, défaitisme et dépression. Chaque jour, en se levant, elle affrontait ces trois démons. Néanmoins, elle s'auto-persuadait qu'un jour, elle ne rêverait plus et vivrait une existence heureuse.

Échos ContrairesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora