D'un coup, un stress intense me prend au ventre. Qui est mon colocataire ? D'après les dires d'Edith, c'est un homme.
Et si c'était un fou ? Un malade mental qui voudrait me tuer et manger mes entrailles comme Jeffrey Dahmer.
Stop.
   Il faut que je reprenne mes esprits, ou la crise d'angoisse va arriver. Je compte jusqu'à dix, comme ma psy me l'a appris. Ma psychologue était une femme géniale.
Elle est l'une des seules personnes qui me fait regretter ma décision de partir de la Rochelle.

    J'entends vaguement de la musique au moment où je m'apprête à toquer. Je toque. Aucune réponse. Je me décide donc à sonner au moment où la porte s'ouvre.

   Je reconnais l'homme qui m'ouvre, c'est le malade du métro. Je ferme les yeux l'espace de deux secondes en me disant que je rêve.
En les rouvrant, il n'a pas disparu et ce n'est pas un rêve. Il est planté là avec son regard inquisiteur, il me dévisage.

— Ouais, c'est pour quoi ? dit-il.
— Euh, re-bonjour, j'habite ici.
— Ah, mais oui, c'est toi la tarée du métro ?
— Et toi, le malade qui a failli me faire tomber ?
— Ouais, c'est ça. Désolé d'ailleurs, j'étais pressé et du coup...
— Pas de soucis, lui dis-je en le coupant. Je peux entrer ?
— Oh, euh, ouais, ouais, ben c'est chez toi hein. D'ailleurs, moi c'est Scott.
— Ok Scott, moi c'est Anna. C'est toi mon colocataire ? — J'aurais aimé, crois-moi, dit-il en me reluquant de haut en bas. Ton coloc, c'est Matt, enfin Matthew, il est dans le salon, je t'en prie.

   En entrant dans l'appartement, une odeur de tabac remplit mes narines. J'adore cette odeur, et soudain des souvenirs refont surface, me rappelant des choses que j'aurais préféré oublier. Je suis sortie de mes pensées par une fille qui se lève des genoux sur lesquels elle était assise.

— Salut ? articule-t-elle d'un air plus qu'hautain.
— Salut, je suis Anna ! lui répond-je d'un ton enjoué pour détendre l'atmosphère.
— Aha, trop mignonne, tu nous l'a sort d'où celle-là, Scott ? lance-t-elle comme si je n'étais pas dans la pièce. — Très drôle, Vanessa, c'est Anna, la coloc de Matt.
— Oh, je vois, dit-elle en se décalant sur la gauche. Ben voilà, Matthew. Elle est là, ta nouvelle coloc.

   À l'instant où elle se décale, Matthew lève la tête comme d'un air étonné.

— Salut.

  C'est la seule chose qu'il me dit durant les vingt minutes qui suivent, des minutes durant lesquelles je subis un interrogatoire de la part de Scott.
Vanessa se moque ouvertement de moi, quand j'ai le malheur d'ouvrir ma bouche pour dire que ma passion est la lecture. Soudain, Matthew se redresse, il est imposant et large.
— Bon, on bouge ?
— Ouais, j'ai pris une table au bouillon Chartier, ça te dit, Anna ? me demande Scott sans réfléchir.

    Voyant Matthew et Vanessa se regarder comme si j'étais une bête de foire, je refuse poliment en prétextant que je suis fatiguée. Une fois qu'ils sont partis, je me pose enfin sur le canapé, retire mes chaussures, et observe la pièce.

   Le salon est clair, grâce à une belle et grande fenêtre dans le style parisien. J'imagine que durant les jours ensoleillés, elle éclaire divinement le beau parquet en bois clair qui orne le salon. Ce dernier n'est pas surchargé en décoration, avec un beau canapé d'un beige légèrement foncé en daim.
   Je m'imagine déjà emmitouflée dans une grosse couverture, un chocolat chaud à la main, devant un livre ou un bon film.
   Je sors de mes pensées et m'empresse d'aller découvrir ma chambre. Je suis ébahie devant la grandeur de la pièce. Des moulures étoffent le plafond, et à ma plus grande surprise, une bibliothèque blanche embellit un des pans de mur. Quelle joie, je suis si heureuse. Mon armoire est grande, et la salle de bain plus spacieuse que celle que l'on partageait à quatre chez moi. Je soulève tant bien que mal ma valise pour pouvoir la poser sur mon lit.

   Je suis heureuse d'avoir emmené mes propres draps, ceux-là ne sont pas spécialement à mon goût.
   Je commence par la salle de bain, déposant soigneusement mes produits de première nécessité, car le reste se trouve dans le camion des déménageurs qui ne devrait plus tarder maintenant...

   En effet, à peine cinq minutes plus tard, les déménageurs me préviennent qu'ils sont en bas ! Euphorique, je m'empresse de dévaler les escaliers pour aller leur ouvrir.
Je leur indique l'étage et la porte. Ils s'activent en montant les cartons un par un, en file indienne. Je prends la décision de m'occuper moi-même des cartons où reposent les choses fragiles.

   À peine vingt-cinq minutes plus tard, les déménageurs sont partis. Les cartons sont dans ma chambre et d'autres dans le salon. J'ai pris l'initiative d'amener de la vaisselle ainsi que des ustensiles de cuisine, juste au cas où Matthew n'y aurait pas pensé.
   Bien sûr, en ouvrant les tiroirs, je remarque qu'il n'a rien apporté et qu'il n'a aussi pas fait les courses. Génial, cette cohabitation commence bien...

   Je décide de retourner dans ma chambre, furieuse. Je me replonge dans le rangement en commençant par mes livres, mes biens les plus précieux. Je finis par être épuisée, mais toutes mes affaires sont enfin déballées.                                                                                                                              Je file à la douche, m'endors sans manger. 

La destinée de nos âmesWhere stories live. Discover now