8. Entre détectives

Depuis le début
                                    

Helen ne répondit rien et elles gagnèrent le couloir, les escaliers, puis la rue. Les auditoires étaient situés au sous-sol du bâtiment dans une cave que les années avaient rendue de plus en plus jaunâtre, l'effet combiné d'une mauvaise lumière sur des murs qui avaient besoin d'être repeints. Les étudiants l'appelaient la cuve à pisse, tout un programme.

Laura prit une profonde inspiration en sortant, ravie de retrouver la lumière, un peu moins la terrible chaleur. Elle guida Helen jusqu'à sa voiture, qu'elle avait pu – passe-droit bienvenu du corps enseignant – garer non loin. Une fois installée, elle se tourna vers son invitée.

— On va où ?

— A l'Arnaque ?

— Ça marche.

C'était un café plutôt sympa, à la décoration décalée rappelant un bar de la prohibition fantastique, rarement très fréquenté mais jamais complètement désert, et il y avait toujours moyen de se garer sur le parking du supermarché voisin. La circulation était dense – un accident un peu plus loin – et Laura se concentra sur le trajet, tandis qu'Helen lui racontait les derniers potins du commissariat, les mariages, les enterrements, les mises à pied. 

Laura attendait toujours que l'inspectrice lui parle de futurs bébés mais rien ne venait. En tant que médecin, même légiste, Laura ne se serait jamais permise de la questionner sur ses projets. C'était sexiste, maladroit et franchement pas très intéressant. Laura était d'ailleurs plutôt ravie qu'Helen n'ait pas d'histoires de marmots dont l'assommer.

Elles s'installèrent devant une tasse de thé, comme deux grands-mères en devenir, contraintes par leur service. 

— Raconte, alors.

— C'est ce Zaffy. Ce type a l'air d'avoir un nombre incalculable d'ennemis. De détracteurs, devrais-je dire. On n'est pas ennemis, dans ce milieu. On ne se met pas sur la gueule dans les parkings à la nuit. On se fait des coups vaches. On se trahit, on se copie, on se ment incroyablement et on s'exploite. Mais de là à fracasser un crâne... Tu sais qu'il n'avait que cinquante-deux ans ? Je pensais qu'il était plus vieux. Mais non. Il était jeune, grand, athlétique... et aucun de ses proches, collègues ou famille, ne fait deux mètres et du bodybuilding. Il n'y a d'ailleurs aucun type de ce genre sur les caméras de surveillance du bâtiment Lombroso. Ni le jour du meurtre, ni les trois semaines qui précèdent.

— Misère, qui est le malheureux qui s'est farci toutes ces vidéos ?

— Quatre stagiaires. Ils ont tous rendez-vous chez l'ophtalmo, depuis. L'enfer.

Helen grimaça et but une lampée d'eau brûlante. Laura n'était pas adepte du thé mais n'avait pas tellement réfléchi en lui embrayant le pas. Andrew, le mari d'Helen, était un connaisseur.

— Certaines drogues anabolisantes peuvent décupler la force de ceux qui les consomment, non ? demanda l'inspectrice.

— Décupler, non. Mais c'est vrai qu'il existe des crasses qui permettent une meilleure mobilisation de la masse musculaire. Certains sportifs les utilisent.

Laura croisa les bras.

— Est-ce que vous ne seriez pas mieux à chercher le mobile ?

— Je te l'ai dit, il y en a mille, des mobiles, rien que dans le couloir où bossait Zaffy. Alors s'il faut élargir... Mais c'est ce qu'on fait, mine de rien. On interroge. Je viens d'en voir quatre, ce matin. La secrétaire du département, le chef du département, un ancien post-doc devenu prof à l'étage inférieur, et l'informaticien. On a déjà interrogé tous ses chercheurs. Tu sens bien que les trois quarts sont convaincus qu'il le méritait, mille fois, mais aucun ne l'a fait. Les alibis sont solides, les gens étaient ailleurs. Au final, le plus suspect serait ce Brun arrivé de nulle part, mais c'est pratiquement le seul qui ne connaissait pas Zaffy et les relevés de son GPS sont formels : il était chez lui à l'heure présumé du décès.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant