4. Visite macabre à Butterfly

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A son arrivée, un policier en uniforme l'attendait et il la précéda dans le hall et vers l'ascenseur. Il n'y avait pas d'officier : du constat de Laura dépendrait la nomination éventuelle d'un inspecteur. Les chances étaient maigres, cependant. Ils montèrent au troisième étage et la légiste comprit que le décès avait eu lieu dans l'ancienne unité de Jonathan, celle qui abritait les psychotiques les plus dangereux.

La moitié d'entre eux avaient du sang sur les mains, parfois le leur, souvent celui d'autrui. Auparavant, quelques chambres étaient réservées aux psychopathes, mais Jonathan avait abandonné cette spécialisation après le meurtre, au sein même de leurs locaux, de son infirmière chef par l'un d'entre eux. Même s'il avait continué à travailler comme un forcené, il ne s'en était jamais complètement remis.

Laura frissonna en franchissant les portes de sécurité. Jonathan était mort à son tour, tué par un professionnel. Pas de psychotique, pas de psychopathe, juste la rationalisation glaciale d'une femme qui s'était donné pour mission de débarrasser le monde d'un homme qui protégeait les tueurs d'enfants. 

Une équipe médicale terminait de ranger son matériel dans le couloir, signe que le mort aurait pu survivre, ou qu'on l'avait cru. Le médecin dévisagea Laura avec un rictus de gêne : c'était un généraliste hospitalier d'une trentaine d'années, qu'elle avait déjà vu une fois ou l'autre, mais pas au point d'en mémoriser le nom.

Elle lui sourit, conciliante.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Trauma crânien, annonça le jeune médecin.

— Tombé ?

— Non. Il s'est fracassé le crâne contre les barreaux de la fenêtre. Répétitivement. Il était sous anticoagulants, ça n'a pas aidé, à mon avis.

Elle franchit le seuil de la pièce.

Encore, songea-t-elle.

Trois crânes en charpie en trois jours. C'était la loi des séries. On aurait pu y chercher un lien, mais elle avait suffisamment d'expérience pour ne rien y voir.

— Mourir comme ça... il faut le vouloir, remarqua-t-elle.

Le jeune médecin croisa les bras.

—Certains d'entre eux sont drôlement... convaincus, quand ils croient quelque chose.

Elle acquiesça. Le corps était affalé sous la fenêtre, dans une mare de sang déjà immense. L'équipe d'urgentistes avait piétiné les lieux, Laura sortit une paire de gants de sa sacoche.

— Il était enfermé ?

— Oui, ils le sont tous.

— Vous l'avez trouvé vivant ?

— Tout juste. Nous n'avons pas eu le temps de le stabiliser.

— Personne n'a rien entendu ?

— Il y a deux résidents pour les six étages. L'infirmière de nuit était occupée à l'autre bout de l'aile avec un autre patient. Et il y a trois hurleurs dans le couloir, en ce moment. Ça couvre beaucoup de choses. Surtout que tout est capitonné. Quand les capteurs IA seront mieux calibrés, sans doute que ce genre de choses arrivera moins souvent.

Il y avait du sang, des cheveux et même de la matière cérébrale sur les barreaux de la fenêtre. C'était presque aussi incroyable que le clavier d'ordinateur de l'institut de criminologie. Sauf que cet homme s'était auto-infligé ce carnage. C'était plus spectaculaire. Laura s'accroupit.

— Il était sous analgésiques ?

Le médecin consulta sa tablette puis acquiesça.

— Oui. Mais pas très puissants. Problème dentaire, de ce que je lis.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Where stories live. Discover now