Chapitre 1 - Torn Leaf

57 5 46
                                    

Long manteau marron, large écharpe noire, bonnet et gants de la même couleur. Lunettes de soleil. Masque. Je n'avais aucune envie de sortir. D'ailleurs, j'étais enfermée chez moi depuis quatre jours. Je ne voulais ni affronter le froid de janvier, ni mon regard sur les couvertures des journaux.

Seulement, je ne pouvais pas rester indéfiniment cloîtrée chez moi à cause d'une stupide rupture.

Je refermai le portail derrière moi, avant de glisser soigneusement les clés dans mon sac, et de me faire aborder par un jeune homme en train de me filmer.

« - Excusez-moi, Laura Merryl ? Que pouvez-vous me dire au sujet de..

- Rien du tout, vous avez ce qu'il vous faut sur le net, désolée. Et arrêtez de me filmer, s'il vous plaît, je ne vous ai jamais donné mon accord. »

Bien entendu, je savais que je verrai cet extrait sur les réseaux sociaux dans la soirée. Je le disais simplement pour la forme. Je savais pertinemment que j'étais une « personnalité publique », maintenant.

Lorsqu'on cherchait mon nom sur Internet, la page indiquait : « Laura Merryl, auteure. ».

L'article Wikipedia, car j'avais cet honneur, commençait ainsi : « Laura Merryl, née le 17 juillet 2003, est une auteure franco-britannique. Elle serait également la parolière de certaines chansons du groupe Five Hearts. ». Je n'avais aucune idée de leur source pour cette information. Mon seul problème était qu'elle était terriblement véridique et absolument secrète. Je serai liée à ce groupe toute ma vie, que je le veuille ou non.

J'avais décidé de marcher jusqu'au centre-ville. L'air londonien me gelait les os, mais je continuais d'avancer. Les paparazzi n'étaient pas bien nombreux dans ma petite ville de banlieue, et beaucoup étaient dissuadés par le froid. En arrivant au Sainsbury's, mes yeux bleus sur les magazines people m'agressèrent en même temps que ceux de la pauvre vendeuse qui patientait derrière la caisse.

« William Taylor & Laura Merryl : tout savoir sur leur rupture ! ». Par curiosité, je pris le journal et l'ouvris à la page indiquée. « [...] Des sources indiquent que la jeune femme de dix-neuf ans aurait porté plainte contre le célèbre chanteur du groupe Five Hearts. La raison nous est encore inconnue. ». Eh bah. On en apprenait des trucs, avec ces articles. J'avais porté plainte ? J'étais pas au courant. « Leur rupture, annoncée en décembre dernier par William, daterait en vérité du mois d'août précédent. En effet, plusieurs témoins auraient affirmé les entendre se disputer violemment au domicile de la jeune femme. ». Ce qui m'effrayait le plus, c'était ce genre d'informations : véridiques, certes, mais formulées d'une façon particulière, visant à amplifier l'affaire. Tous les couples se disputaient, ça ne datait pas d'hier. Beaucoup disaient que se disputer était sain pour un couple.

Nous avions rompu en novembre, au terme de quatre mois de disputes et de conflits. Encore avant ça, il y avait eu un an et demi de couple. J'avais tout juste dix-huit ans, et William presque dix-neuf. Il était connu pour son statut de chanteur dans un boys band, et moi je venais de publier mon premier roman, un succès inattendu. Nous avions été mis en relation par ma grande sœur.

Adeline Merryl, dont le vrai nom était Adénine, m'avait invitée à l'avant-première de son premier grand succès cinématographique, une production Hollywoodienne dans laquelle jouaient les membres du groupe Five Hearts. C'était en mai, et, début août, nous avions commencé à sortir ensemble.

Tout ça pour terminer en une des journaux. Autant la situation en elle-même ne me dérangeait pas, j'avais commencé à m'habituer à faire les gros titres. Seulement, là, c'était à cause de ma vie amoureuse - et elle n'était même plus d'actualité.

Alors que je reposais le journal, je remarquai que le regard de la vendeuse était toujours sur moi. Sur moi, et sur le magazine qui avait retrouvé sa place. Sans y faire plus attention, je continuai mes achats majoritairement alimentaires. Au moment de passer à la caisse, la vendeuse laissa courir ses yeux vers les revues.

TiedWhere stories live. Discover now