Chapitre 5 - Gahan

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La journée de Gahan avait commencé comme toutes les autres.

Aux aurores, elle avait trouvé un cornouiller pour récolter du bois. Gahan avait besoin de se fabriquer de nouvelles flèches.

Elle en avait profité pour cueillir ses baies préférées et s'était installée tout en haut de la vieille tour pour admirer la forêt qui s'étendait en contrebas.

Elle aimait contempler les animaux, suivre du regard leurs allées et venues tout en grignotant des baies. Ça l'occupait durant ses longues journées.

Gahan pouvait passer des heures ainsi, elle ne s'en lassait jamais.

Mais ce jour là alors qu'elle allait descendre, elle tendit l'oreille.

Des bruits de pas ?
La forêt avait des visiteurs !

Gahan ouvrit grand les yeux et scruta les bois.
Était-ce un membre de son ancien clan ?

Non.

C'était la dame étrange, celle qui venait parfois s'assoir près de l'Ancien. Celle qui faisait partie du peuple des voleurs de visage et qui dérobait les jolies fleurs de la forêt.

Gahan plissa les yeux.

Elle était accompagnée de deux autres voleurs, qui regardaient autour d'eux avec curiosité.

Gahan descendit la tour sans faire un bruit et se faufila dans l'ombre des bois. Elle attrapa son arc et grimpa dans les arbres pour suivre le groupe avec intérêt.

Que venaient-ils faire là ?

Peut-être venaient-ils pour les baies ? Gahan songea alors qu'elle aurait dû toutes les manger ce matin, pour ne rien leur laisser ! Elle souffla du nez à l'idée d'être privée de ses gourmandises préférées.

Le bruit attira l'attention d'un membre du groupe. Une toute petite femme, grande comme un enfant, tourna la tête.

« Tyra? Tout va bien ?
- J'ai cru entendre... non, rien. »

Gahan n'avait rien compris à leurs vilains jappements. Elle retint sa respiration et continua de les suivre.

Ils firent de nombreuses choses étranges. Si l'ancien clan de Gahan les avait vu faire, ils auraient hurlé et les auraient attaqués.

Mais Gahan elle, s'en moquait.
Elle était une bannie et ce territoire était le sien.

Et elle avait décidé que tant qu'ils ne pillaient pas ses baies, ils pouvaient rester dans les bois.

C'était beaucoup plus amusant de les suivre que de regarder les oiseaux picorer.

Ils marchèrent longtemps, traversant toutes les ruines en aboyant de leurs voix désagréables. Mais si elle ne comprenait rien, elle remarqua qu'ils admiraient les fleurs.

Gahan aimait les fleurs elle aussi !

Finalement, ils arrivèrent auprès du Moenia de la Dame Fânée. C'était la première fois que des voleurs de visage s'approchaient du rocher.

Gahan serra les dents. Elle voulait bien les laisser errer et ramasser des fleurs s'ils en avaient envie, tant qu'ils ne touchaient pas aux baies, mais ils n'avaient pas le droit de s'en prendre à la Dame !

Elle tendit son arc, prête à décocher une flèche mortelle, lorsqu'elle se stoppa.

« Dans ma contrée natale, on appelle ça un Moenia. »

Gahan ne saisissait toujours pas leurs paroles, mais elle avait reconnu un mot : l'un des membres du groupe, un homme à la peau de la couleur de l'écorce, avait parlé de Moenia.

Jamais encore elle n'avait entendu de voleur de visage utiliser un mot de sa langue !

L'homme cueillit alors des fleurs, qu'il rassembla en un bouquet et déposa devant le rocher. La petite femme qui l'accompagnait déposa à son tour son bracelet.

Gahan n'en revenait pas !
Ils faisaient une offrande à la Dame !

Stupéfaite, elle baissa son arc. Elle vit le mâle prier, puis le groupe partir.

Gahan ne les suivit pas immédiatement. Lorsqu'ils furent loin, elle regarda les offrandes. Il n'y avait pas de mauvaise magie en elles.

Elle demanda alors à la Dame Fânée si elle pouvait prendre le joli bracelet. Une douce brise lui répondit.

Gahan enfila le bijou de perles et l'admira avec émerveillement.

Ce qu'il était beau !

Elle s'enfonça ensuite dans la forêt pour suivre ses visiteurs.

Ils laissaient des traces de leur passage partout ! Pire que des enfants ! Ils ne savaient pas marcher avec la nature. Comment faisaient-ils pour ne pas entendre leur propre boucan ?

Leur camp était vraiment très loin, et elle se demanda pour quelle raison ils avaient fait tout ce chemin.

Étaient-ils simplement venus pour saluer la Dame ?

Elle les contempla s'agiter dans leurs huttes de fortunes, préparer des pièges et affuter leurs lames, et comprit qu'il s'agissait de chasseurs.

Gahan respectait les chasseurs. Son père, Gyhun, était autrefois le meilleur chasseur du clan.

Gahan les fixa, cachée dans un arbre, mais elle se lassa vite. Elle préférait admirer le jeune mâle qui avait fait l'offrande.

Elle devait le remercier.
La Dame avait apprécié son cadeau.

Lorsque la nuit fut tombée, la forêt perdant ses belles lumières pour devenir un nid obscur, elle en profita pour se faufiler dans le camp.

Le chasseur qui surveillait les alentours était si facile à éviter qu'elle se demanda s'il n'était pas sourd ou aveugle. Peut-être les deux.

Elle se posa dans l'herbe et ferma les yeux. Faisant appel à la magie alentour, elle se concentra.

De douces fleurs blanches poussèrent tout autour d'elle, remplissant le camp de leur splendide lueur. Aussitôt son cadeau prêt, elle remonta dans l'arbre et regarda le camp s'éveiller.

Elle s'attendait à de la joie et de l'émerveillement devant la beauté de ses fleurs éternelles, mais tous braillaient.

Quels ingrats !

Le jeune homme se leva après les autres et ne parut pas heureux.

Il avait peur ?
Pourquoi ?

C'était un cadeau formidable !

La seule qui sembla se réjouir était la petite femme du bracelet.

Gahan la vit cueillir des fleurs en secret, tandis que ses compagnons remballaient leur camp et partaient.

Au moins, son présent avait plu à une personne.

Elle décida qu'elle aimait la petite femme.

Gahan repartit ensuite en direction de ses ruines. Elle ne comptait pas suivre les visiteurs s'ils s'aventuraient trop loin hors de son territoire.

Elle s'était déjà trop écartée de chez elle.

Gahan soupira.

C'était une drôle de visite, mais au moins elle avait passé une journée très intéressante.

Décidément, les voleurs de visages étaient des êtres bien étranges.

Décidément, les voleurs de visages étaient des êtres bien étranges

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HISTOIRE ILLUSTRÉE - David & Öta - PARTIE 2Where stories live. Discover now