Alors elle recula, les larmes progressant. Elle étouffa un sanglot et fuit la réalité douloureuse. Elle courut de toutes ses forces, comme si s'en éloigner le plus rapidement possible lui permettrait de se sauver du chagrin. Et bientôt, l'inévitable se produisit. Sa blessure se rouvrit et elle aperçut des gouttes de sang perler jusqu'au sol. Elle vînt passer un doigt sur la plaie pour y découvrir un creux, une marque de la flèche l'ayant transpercée au bras. Elle se sentit envahie par la fatigue, comme ce jour fatidique dans les bois. Non, elle ne pouvait s'abandonner. Elle devait survivre !
- Puis-je vous aider ?
La voix provenait d'une silhouette floue et difforme. Cependant, elle découvrit une main tendue vers elle. Tandis que ses alentours dansaient à en vomir, Jeanne accepta l'aide de l'inconnue. Qui était-ce ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Mais elle lui semblait être une femme.
* * *
Agnès était seule dans les jardins du château. Elle pensait au baiser de la veille. Elle n'en avait pas dormi, et se trouvait au matin dans une ballade solitaire, la cour sommeillant encore. Elle devait remercier le Duc de Vendôme d'avoir quitté leur contact langoureux... Il avait eu raison au delà de la passion. Mais indéniablement, elle en ressentait une certaine frustration. Ne pouvait-il pas la demander en mariage ? Ne pouvait-il pas lui destiner cette place pour la voler aux mains du Marquis ? Il devait espérer un meilleur parti. Elle pensait qu'avec sa richesse et l'étendue de ses terres, il pouvait se permettre d'écouter les élans de son cœur. Mais elle ne connaissait rien de lui. Elle ne pouvait prédire son comportement et ses pensées. C'était ce qui l'empêchait de croire qu'elle pourrait un jour être son épouse...
Dans sa marche, elle se laissa tenter à rejoindre les écuries. Elle contemplait les chevaux qui allaient partir à la guerre. L'écurie serait-elle totalement vide après leur départ ? Elle aurait aimé en chevaucher quelques uns pour se souvenir de son excursion avec le Duc. Edouard de Vendôme lui avait affirmé partir au combat. L'inquiétude qu'il lui arrive quoi ce soit était pesante.
Soudain, Agnès aperçut le Marquis de Savoie. Il l'observait discrètement, ne voulant pas rompre le fil de ses pensées. Mais lorsqu'Agnès s'approcha de lui, il déclara :
- Dans quelques heures, je partirai.
Elle se contenta de hocher la tête. Alexandre de Savoie partait aussi à la guerre. Elle se haïssait de ne pas rencontrer les mêmes songes qu'avec le Duc de Vendôme. Elle ne désirait pas qu'il perde la vie. Elle serait un monstre de le concevoir.
- Vous ne viendrez pas me présenter vos vœux, n'est-ce pas ?
Sa voix était glaciale. Elle ne l'avait encore jamais découvert aussi distant. Elle voulait, à ce moment précis, tout recommencer. Et si elle n'avait pas rencontré le Duc de Vendôme ? Et si elle ne s'était pas laissée envouter par la passion ? Elle avait blessé le Marquis sans aucune compassion, rien que pour un baiser qui pouvait n'avoir de sens que pour elle. Elle se sentait si pathétique.
Alors elle enlaça Alexandre de Savoie tandis qu'elle souffrait pour lui, tout autant qu'elle agonisait de ne pouvoir connaître les sentiments du Duc. Par cette étreinte, elle désirait engloutir les douleurs qu'elle avait administrées à cet homme bienveillant. Elle ne méritait pas une personne aussi bonne. Le Marquis se défit de son étreinte et prononça :
- Vous en aimez un autre. Depuis le premier jour de sa venue, vous n'avez cessé d'accroître votre affection pour lui. Pensez-vous que je ne l'avais pas remarqué ? Je sais ce qu'il me reste à entreprendre. Je sais ce que signifie la ruine de mes sentiments pour vous.
ESTÁS LEYENDO
L'Agnès
Ficción históricaL'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...
~ Chapitre 10 Partie II ~
Comenzar desde el principio
