~ Chapitre 8 Partie II ~

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Le silence surgit. Est-ce qu'Agnès avait un don pour s'éloigner de ceux qu'elle aimait ? Tout d'abord son père, puis sa plus fidèle amie... Et bientôt le Duc de Vendôme qui se lasserait d'elle. Son amie Jeanne semblait capturée dans un amoncellement de secrets. Même si cela faisait du mal à Agnès de se l'avouer, elle n'était plus en droit de les lui demander. Elle devait patienter jusqu'à ce que Jeanne brise d'elle même la surface de verre les ayant éloignées. En attendant, elles pourraient toujours discourir des jeux, de l'art...

- Agnès... - murmura Jeanne dans un soupir -

Un espoir infini la saisit. Agnès s'immobilisa et enlaça les mains de son amie dans les siennes. Elle lui offrit un regard empli d'amitié, prête à tout entendre.

- Dans peu de temps je serai mariée à Robert de Beaufremont. Il revient au château de Blois demain, en soirée. La cérémonie aura lieu au château d'Amboise. Et je...

Agnès s'approcha de Jeanne, la prenant dans ses bras. C'était dit inconvenable, mais voir son amie aussi proche du sanglot l'avait poussée à une grande tendresse. Elle retenait autant qu'elle le pouvait le versement des larmes de Jeanne. Elle semblait si malheureuse. Pouvait-elle partager quelques uns de ses sourires ? Elle pouvait s'en débarrasser volontiers si cela permettait à Jeanne de perdre son teint blafard.

- Je souhaite que vous soyez présente – ajouta-t-elle – Je vous en prie, faites ce voyage en ma compagnie. Vous serez l'amie fidèle d'une toute nouvelle duchesse. Le voulez-vous ?

- Oui. Bien entendu ! C'est avec grand plaisir !

Agnès intensifia son étreinte. Au plus proche du cœur de son amie, elle entendait des battements communs aux siens. Il s'agissait d'un rythme chancelant au gré de forces puissantes, de sentiments flous et passionnels. C'était bien proche d'une intonation amoureuse. Comme la séduction d'un homme auquel elles devaient renoncer.

Après une ballade où l'affection fut partagée, Jeanne quitta Agnès. La démarche de la future duchesse de Beaufremont exprimait une souffrance profonde. Agnès se sentait déchirée pour elle. Avait-elle réussi à lui transmettre son soutien ? Elle se sentait inutile. Finalement, elle s'offrit une marche en solitaire. Elle s'avançait dans les abîmes du jardin alors qu'une émotion d'apaisement la fit sourire. Tout allait s'arranger. Il suffisait d'avoir confiance, avec le temps...

Subitement, une sensation étrange la fit frémir. Il faisait terriblement froid. Elle serra les bras contre sa poitrine et crut découvrir la source de fraîcheur. Cependant, ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait. Une nuée noirâtre enveloppait la fontaine auprès d'elle, tel un nuage, une masse gazeuse portée par les bourrasques de vent. La statue de pierre représentant une femme dévêtue laissait s'écouler de son vase un liquide devenu noir. Agnès s'approcha dans une curiosité dangereuse. Elle posa délicatement ses genoux sur le sol, avec ce sentiment d'être seule au monde. D'ailleurs, elle se surprenait de n'avoir aperçu personne aux alentours.

Agnès contempla son reflet défiguré par le mouvement de l'eau salie. Un moment interminable se passa tandis qu'elle cherchait à comprendre la composition de ce liquide. Sa couleur l'hypnotisait. Et d'un autre côté, la terrorisait. Elle se força donc à se détourner de cette substance inquiétante. Mais quand elle se leva, une force lui fit épouser l'horreur. Sa tête fut brusquement renversée dans le liquide noirâtre, une main la poussant dans le cauchemar absolu. Elle sentait, sur le haut de son crâne, une prise dont les doigts assassins venaient se mêler à ses longs cheveux. Elle tenta de lutter, mais la force de l'agresseur était supérieure à la sienne. Les mains tremblantes contre la paroi rocheuse, les yeux aveugles dans l'obscurité, son esprit plongé dans la panique... Quelqu'un voulait la tuer. Et cette personne se mit à lui raconter des horreurs.

L'AgnèsWhere stories live. Discover now