1 - La malade

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Tapis dans l'ombre, Imlach écoutait les chuchotements de ses parents.

Dans cette petite cabane de deux pièces, la seule véritable source de lumière était une petite lanterne dans le salon. Lui était blotti contre le chambranle de la porte, l'oreille collée au bois humide, seulement éclairé par la faible lueur de la lune. Ses vêtements étaient encore trempés, il tremblait de tous ses membres, mais il refusait de s'écarter des faibles murmures qu'il distinguait.

L'eau ruisselait depuis ses cheveux et le faisait sursauter chaque fois qu'une goutte tombait sur sa nuque. Absorbé dans l'échange nocturne de ses parents, il s'en oubliait, et n'avait qu'une vague conscience du froid qui s'emparait de lui.

Il ne ressentait que la peur. Une crainte viscérale, qui était survenue une heure plus tôt. Sous ses yeux, sa mère s'était pliée de douleur, écroulée au sol. Il n'avait que très peu de connaissances - celles transmises par sa mère autour de la minuscule table de la cabane -, il savait toutefois que c'était annonciateur de bien pire.

Bravant les lois qui lui avaient été imposées, il avait couru jusqu'à parvenir au village, sous une pluie battante et les exclamations horrifiées des habitants. Il n'avait jamais franchi la clôture avant ce jour, sa mère lui en avait fait une description suffisamment effrayante pour le convaincre de ne jamais s'y rendre, encore moins seul. Force lui avait été de constater que la clôture en elle-même n'avait rien d'effrayant, les villageois ne l'étaient pas plus d'ailleurs. Lui en revanche l'était manifestement.

Du village, il avait seulement entendu parler d'une chaumière au centre. Il ne s'était jamais rendu dans l'habitation de son père - ce dernier avait toujours fait le déplacement jusqu'à eux. Il avait tâché de faire abstraction de ces visages hostiles à son encontre, et avait trouvé facilement la chaumière. Là, il était entré.

Son père était présent, ainsi qu'une dizaine d'autres hommes, qui le dévisagèrent, tout d'abord surpris puis haineux. Des protestations s'étaient élevées, un des hommes s'était dressé et l'avait menacé, jusqu'à ce que son père ne se lève et l'entraîne à sa suite hors de l'habitation. D'une poigne de fer, il l'avait conduit jusqu'à une zone reculée et ombragée du village.

- Imlach, que fais-tu là ?

Le garçon avait eu beaucoup de mal à reprendre son souffle, épuisé par sa course. La clôture n'enserrait pas une très grande superficie, mais le chemin depuis la cabane était sinueux et vallonné.

- Imlach ! s'était impatienté son père.

Une main sur ses genoux, l'autre sur ses côtes, il avait péniblement formulé les quelques mots. « Maman a mal ».

Il n'aurait jamais cherché à rejoindre son père, si ce dernier ne lui avait pas rappelé à chacune de ses visites qu'il devait la surveiller. Elle s'était exclue en même temps qu'il avait été banni, à sa naissance, et elle avait pris soin de lui sans jamais protester. Son père était resté au village et d'aussi loin qu'il se souvenait, il avait toujours rapporté à sa mère ces sachets d'herbes, en lui intimant de ne jamais y toucher.

Imlach savait ce que c'était que de souffrir, mais il ne connaissait pas la maladie. Il n'associait pas ces deux notions. Il avait toujours eu mal, et on ne lui avait jamais dit qu'il était malade pour autant. En réponse à sa phrase, difficilement articulée et à peine audible, la réaction de son père avait été immédiate. Il avait attrapé la main d'Imlach et s'était précipité vers la cabane.

Et lui était à présent là, recroquevillé dans la petite chambre de la cabane, dans laquelle la pluie n'avait de cesse de s'infiltrer. Le matelas rempli de paille dégageait une odeur désagréable, il était troué en plusieurs endroits, rongé par des parasites, et c'était le seul qu'ils possédaient. Sa mère insistait chaque nuit pour qu'il s'installe avec elle, et chaque nuit, une fois endormie, il disposait une couverture sur le sol et s'y allongeait pour lui laisser plus d'espace. Il n'avait rien connu d'autre que ce matelas, il savait néanmoins qu'il devait y en avoir de bien meilleurs, même si selon les dires de sa mère ils devaient déjà s'estimer heureux de celui-ci. Elle se réveillait couvertes de marques et lui le dos douloureux - rien en comparaison de ce qu'il ressentait au fur et à mesure de la journée cependant.

Renaissance - ImlachWhere stories live. Discover now