L'an 1563. Alors que les guerres de religion éclatent et bouleversent le royaume de France, Agnès Ducoroy, fille d'un riche peintre et ami de la couronne, se trouve en sûreté dans le palais de Blois. Mais les massacres en province et la recherche de...
- Était-ce pour me couvrir de votre regard pervers que vous vous êtes hâtée de vous dénuder ?
Elle rougit aussitôt, détournant son attention. Alors que le Duc s'immergeait progressivement dans le fleuve, elle atteignit un fond suffisant pour couvrir ses bras qui s'agitèrent pour éclabousser le Duc s'engageant dans son jeu. Bientôt, les deux complices mêlaient leur cris au bruit d'une eau mouvementée. Ce fut dans une dynamique plus puissante dû à la force supérieure du Duc de Vendôme, qu'Agnès échoua. Tandis qu'elle s'efforçait de recouvrer la vue, Edouard fut bouleversé de son apparence. Les sous-vêtements blancs d'Agnès découvraient les tétons sensuels et sa peau collée à la robe... L'eau avait apporté une transparence qui le foudroya. L'image qui lui faisait face était une muse, vénus, une dangerosité sans pareille. Et ce fut l'effet de trop lorsque, le visage embelli de gouttes d'eau, elle lui adressa un sourire magnifique. Tout son visage s'était illuminé devant ses yeux... Et il se questionna quant à la nature de cette femme. Une déesse ? l'incarnation du diable ? Il prononça :
- Vous êtes terriblement cruelle !
Elle le questionna du regard. Mais à ses yeux la parcourant, comme s'il sondait son âme, elle sut qu'elle avait encore fait une erreur. Lorsqu'elle réalisa son apparente nudité, elle s'engouffra aussitôt dans l'eau pour s'y cacher. Son cœur battait la chamade et elle se maudissait en silence. À Orléans, elle se baignait avec ses femmes de chambre. Comment avait-elle pu se permettre cela devant le Duc ? C'était d'une incroyable insolence, il devait penser qu'elle n'avait aucun honneur, qu'elle ne raisonnait que de passion... Et de pulsion.
Alors qu'elle essayait de contenir ce désir, de disparaître, Edouard de Vendôme s'approcha d'elle. Si elle faisait le moindre mouvement, elle serait à nouveau soumise à sa vue. Elle se haïssait d'autant plus d'apprécier cet instant. Il s'accroupit pour atteindre sa hauteur et dévorait la distance qui les séparait. Elle plaqua une main contre son torse pour le répudier. Elle n'aurait jamais dû... Ce geste si simple, ridicule, lui assignait un contact presque direct avec sa peau. Elle perdait la raison. Il était si beau, ses cheveux mouillés collés à son visage et son corps presque nu.
- Je repose ma question, Agnès Ducoroy – répliqua-t-il – Comment vous faire mienne ?
La respiration du Duc finit par effleurer ses lèvres tandis qu'il déposait ses mains à ses coudes, comme pour l'empêcher de s'enfuir. Mais ce geste avait une douceur certaine qui lui volait toute idée de partir. Elle répondit :
- Vous ne parviendrez jamais à assouvir votre souhait.
Elle s'attendait à ce qu'il arbore un sourire mesquin, mais il n'en fit rien. Elle fut d'autant plus troublée. Il affichait un air si sérieux, si sincère. Comment pouvait elle composer avec sa raison lorsqu'il se comportait de la sorte ? Ainsi, il la pensait unique à ses yeux.
- Pourquoi donc ?
Elle osa plonger son regard dans le sien.
- Je suis promise à quelqu'un.
Il ne parut pas surpris, ni en colère. Étrangement, il paraissait soulagé. Un éclat d'espoir jaillit dans les profondeurs de ses pupilles et Agnès crut désenchanter. Qu'allait-il faire ? L'enlever réellement pour des années, pour la vie ? Alors elle sut qu'il avait transcendé ses limites et elle ne pourrait oublier cet homme, même si elle se devait de s'abandonner au Marquis. Elle buvait ses mots, se perdait dans ses yeux...
- Qui est votre fiancé ?
Elle fut saisie d'une inquiétude. La fougue que présentait le Duc la fit reculer, mais il la retint fermement auprès de lui. Elle ne devait rien dire de l'identité de son futur époux. Si le Duc provoquait un duel, le Marquis serait tué. C'était une évidence. Elle n'était pas prête à sacrifier des vies pour une relation qui n'avait aucun sens... Ce fil d'argent entre leurs deux cœurs était certes existant, mais elle n'y attribuait pas de valeur. Ce n'était qu'un instant spontané, de la passion, du pêché par l'interdit. L'unique sacrifice qu'elle devait endurer pour son bien était de renoncer à cette alchimie malveillante. Elle confirma :
- Il s'agit d'un époux honorable choisi par mon père. Mais ne vous en inquiétez pas, je suis amplement satisfaite.
- Je ne le pense pas.
- Je vous demande pardon ?
Il escalada de ses paumes les épaules d'Agnès, puis les posa dans le creux de ses omoplates. Ses doigts effleurant sa chair la rendirent muette... Il l'enlaça alors que ses lèvres glissaient au plus proche de son oreille. Son murmure fut un supplice.
- Si vous étiez comblée de cette union, votre corps ne serait pas aussi désespéré d'etre embrassé.
La belle se sentit soumise à ses paroles et aux sensations qu'il lui délivrait. Elle ne pouvait pas le laisser la dominer... à ses mots, elle se trouvait honteuse. Après tout, elle devait se rappeler que pour lui, tout cela n'était qu'un jeu. Elle s'était confessée à lui en lui avouant son futur mariage, et il plaisantait de la situation. Un mariage arrangé n'était aucunement amusant. C'était surtout par son comportement frivole qui se répétait qu'elle était emplie de rage. Désespérée ? Elle ? C'était une réalité qui la mit dans un état de colère insoutenable.
Le Duc était-il dans une meilleure position ? Les regards qu'il lui portait étaient d'autant plus intriguant à interpréter. Si cela était de son humour, elle pouvait bien rire du désir qu'il avait envers elle. Elle était blessée dans son estime. Elle se détestait d'avoir souhaité qu'il l'embrasse, là, dans cette eau peu profonde.
Elle poussa brusquement le Duc, se défaisant de son emprise. D'ailleurs, il la touchait sans cesse... C'était ironique de sa part d'avoir espéré un baiser, alors qu'elle était toujours celle à se défendre de ses avances. Elle sortit du fleuve et empoigna ses habits, Edouard de Vendôme clama :
- Où allez-vous ? N'étiez-vous pas impatiente de profiter de la Loire ?
Il se fit violence pour ne pas rire. Agnès Ducoroy saisissait ses habits dans une violence presque ridicule, et tapait du pied dans sa marche. Il n'était pas difficile de connaître ses humeurs. Même sa voix avait une dimension à s'en amuser :
- Me changer ! - Elle s'immobilisa – Ne pensez même pas à me suivre, malotru. Je ne suis peut-être pas en possession de ma masse d'arme, mais je saurais me défendre par un coup de pied dans vos attributs.
Il n'en doutait pas. Elle disparut derrière un arbre pour échapper à son regard, alors qu'Edouard sortait à son tour de l'eau. Il réquisitionnait ses affaires et s'habillait. Lorsqu'Agnès eut fini, Edouard accrochait sa ceinture à sa taille. Elle attendit patiemment auprès du cheval qu'elle caressait. Elle avoua à l'approche du Duc :
- Ramenez-moi au château.
Il hocha la tête. Il semblait que la colère d'Agnès Ducoroy soit devenue mélancolie. Elle avait un visage plein de nostalgie, comme si leurs moments à deux dans le fleuve lui manquaient déjà.
Edouard grimpa sur son cheval et tendit sa main à la belle. Cette fois-ci, dans l'écho du bal, elle la saisit. Elle se hissa jusqu'à parvenir au plus proche du cavalier. Elle retînt son souffle en pensant à ce qui venait de se passer dans l'eau de la Loire. Elle aurait pu chuter dans l'attirance mutuelle qui la martelait... Mais une petite voix en elle ne renonçait pas à ce qui était le plus raisonnable. Si elle en était encore capable, avec un peu de courage... Elle allait gentiment se marier avec le Marquis de Savoie.
Le cheval traversa des plaines immenses. Et s'ils faisaient demi-tour ? S'il la désirait tellement, ne pouvait-il pas l'emporter au loin ? Elle se sentait protégée, dans ses bras. Le temps passa si vite qu'Agnès ne se rendit pas compte qu'ils étaient déjà parvenus au château. Elle en avait le ventre noué. Pourquoi s'était-elle mise en colère ? Pourquoi avait-elle demandé à ce qu'il la ramène dans cette prison de pierre ? Parce qu'elle savait que chaque instant passé avec lui empirait son âme... Avait-elle déjà dépassé le point de non retour ?
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