1. A l'amour comme à la guerre

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- Professeur Shelton ! héla-t-elle comme s'il ne l'avait pas déjà vu.

- Oui, Maureen ?

Il essayait d'appeler ses étudiants par leur nom de famille le plus possible, mais il trouvait toujours ça étrange en dehors des heures de cours. Noah disait que c'étaient les Etats-Unis et Ilvermorny qui avaient déteints sur lui pour ce genre de détail.

- Je suis désolée... je ne veux pas vous déranger...

- Pas de problème. Je vous écoute.

Il s'attendait presque à ce qu'il lui pose une question au sujet de l'examen de ce matin, mais Maureen remit une mèche de ses cheveux derrière son oreille, nerveuse, avant de déclarer :

- Je voulais juste... c'est peut-être idiot, mais je voulais vous remercier pour Becky. C'était pas la première fois qu'elle pleurait cette semaine et elle stressait énormément pour l'examen à cause de ses... problèmes. Et j'ai essayé de l'aider, mais je ne savais pas comment faire...

Impuissante, elle chercha ses mots, la voix étranglée. Il fut parcouru d'un élan de compassion pour elle.

- Maureen, c'est tout à votre honneur de vouloir l'aider, mais ne culpabilisez pas non plus, la coupa-t-il en voyant ses yeux s'humidifier brusquement. (Il avait eu assez d'une étudiante en larmes pour aujourd'hui). Ce qui passe, ça nous dépasse tous... Soyez juste là pour elle, ça sera déjà beaucoup, d'accord ?

Elle hocha la tête, l'air démunie. Sa jeunesse le frappa soudain. Ils avaient peut-être dix ans d'écart tous les deux, ce n'était pas énorme... Il y a encore quelques années, les gardiens de l'IRIS le prenaient pour un étudiant s'il avait le malheur de mettre un jean et il avait commencé à s'habiller de façon plus « professorale » pour gagner en crédibilité. Ou en « cliché d'anglais des années 60 » selon Noah, mais il avait arrêté de l'écouter sur ce genre de question. Pourtant, aujourd'hui, la jeunesse de Maureen – et même celle de Becky – lui paraissait un gouffre énorme. Elles ne devaient même pas se rappeler de la première guerre ou alors seulement en tant que vagues souvenirs d'enfance. Peut-être avaient-elles seulement en mémoire la liasse populaire qui avait déferlé dans les rues le 31 octobre 1981. Ce n'était pas étonnant qu'avec un souvenir pareil, la violence de cette guerre sur le point d'exploser leur paraisse une horreur inimaginable.

Perdu dans ses souvenirs, il dut rester silencieux trop longtemps car Maureen piétina sur place, l'air d'hésiter à continuer la conversation.

- Professeur... murmura-t-elle soudain, bras croisés sur le ventre. Vous pensez que ça va empirer ? Ou que le Ministère va réussir à les arrêter ?

Il soupira, incertain quant à sa réponse. En tant que professeur, il ne devrait même pas répondre, il n'avait pas le droit d'exprimer un avis politique, pas alors que techniquement l'IRIS – malgré son statut assez indépendant – était rattaché au Ministère. Seulement, ne pas répondre revenait à trahir beaucoup de personnes... Des personnes comme Becky et Maureen qui se tournaient vers lui pour avoir des réponses, bien sûr, mais aussi des personnes qui s'étaient battues pour la liberté. Des personnes comme Matthew...

- J'aimerais vous dire que ça va s'arrêter, répondit-il honnêtement. Mais la situation est de plus en plus compliquée. Et pour l'avoir vécu une première fois, le Ministère n'a malheureusement pas tous les pouvoirs ni les ressources pour se dresser contre Vous-Savez-Qui.

La réponse ne parut pas être celle qu'attendait Maureen. Elle fronça les sourcils, déstabilisée.

- Oh... Mais la Gazette...

- Ne croyez pas tout ce que raconte la Gazette, Maureen, dit-il précipitamment à voix basse. Lisez entre les lignes.

Cette fois, il sortait très clairement du cadre qu'il aurait dû respecter. En face de lui, pourtant, Maureen n'en eut cette fois pas l'air perturbé. Inconsciemment, cela signifiait qu'elle avait bien plus conscience de la situation qu'elle ne le croyait et il fut fier d'elle.

Recueil de bonusWhere stories live. Discover now