Chapitre 2 - Partie 3

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Un sifflement suraigu fit sursauter Suraya, qui releva la tête. Elle se trouvait face à une porte en iris, au-dessus de laquelle avait été magnétisé un simple panonceau de plastobois. Le professeur Northon, spécialiste du comportement non humain et en blagues potaches avait inscrit dessus, en lettres capitales et au feutre indélébile : « TAVERNE ». La pièce n'avait pourtant rien d'une taverne, ni d'une auberge des temps médiévaux de l'antique planète Terre. Le mobilier se composait en tout et pour tout d'une grande table en métal et d'une colonne abritant un synthétiseur alimentaire. C'était une imposante imprimante 3D, capable d'associer des ingrédients de base, lyophilisés et d'en faire des plats complets, des boissons, ou encore du pain et autres viennoiseries.


La porte s'effaça devant Suraya et un doux arôme vint chatouiller ses narines. Le professeur Northon l'accueillit avec un large sourire et lui fit signe de s'asseoir à côté de lui. C'est de bonne grâce qu'elle accepta l'invitation. Elle aimait ce vieux monsieur aux manières désuètes, au langage parfois coloré et aux longs cheveux blancs. Il avait tout du séducteur sur le retour, mais qui avait su conserver tout le charme de ses jeunes années. Ses grands yeux naïfs, marqués des rides du rire, lui conféraient l'air innocent d'un enfant qu'on aurait envie de protéger, de dorloter. Il en jouait, avec un certain succès auprès de la gent féminine, il fallait bien le reconnaître.


- Seriez-vous parvenu à produire du café, professeur ?


- Voyons, Mademoiselle Manariva. Je vous ai dit que vous pouviez m'appeler Grégory Northon, ou Grég. Quand vous me donnez du « professeur », je prends à chaque fois un méchant coup de vieux. Faites un effort, que diable !


Le tout déclamé sur un ton badin, empreint d'autodérision. Suraya se laissa aller en arrière contre le dossier de sa chaise en soupirant. Grégory se passa une main chenue dans ses cheveux blancs en pétard, puis se releva pour composer un code sur le synthétiseur. Une tasse se matérialisa dans le caisson en plastoverre et un liquide fumant s'y déversa. Grégory sortit la tasse et la tendit à Suraya. Celle-ci en huma les effluves avec délice. Elle trempa ensuite ses lèvres dans le breuvage, puis inspira avec prudence une petite gorgée.


- C'est vraiment très bon ! dit-elle aussitôt. Mais il n'y a pas que du café, n'est-ce pas ?


- Tout à fait. J'y ai ajouté un soupçon d'écorce de mivre[3]. Depuis le temps que j'en prends, la caféine ne me fait plus beaucoup d'effet. La mivre, en revanche, me donne toujours un sacré coup de fouet. Pas vous ?


Grégory adressa un clin d'œil équivoque à destination de Suraya, qui éclata de rire.


- C'est moi ou vous êtes en train d'essayer de me séduire, professeur ?


- Allons, vous n'y pensez pas, je pourrais être votre papa !


Suraya s'apprêta à répondre, mais une voix glaciale la stoppa net dans son élan.


- J'aurais plutôt dit son grand-père, moi.


Nathalia venait de les rejoindre et si ses yeux avaient pu tuer, Grégory serait déjà raide mort. Pourtant, son sourire s'élargit encore et il se leva avec précipitation.

Le Chant de l'Arbre-MèreWhere stories live. Discover now