- J'ai fait le choix qui me semblait le plus approprié.

Comme toujours. C'était ce qu'elle faisait tout le temps, comme un robot. Comme si ressentir les émotions des autres l'avait rendu imperméable à ce que ces sentiments voulaient dire.

- Et je me suis détestée pour ça.

Il planta son regard dans le sien. Il ne voulait pas entendre la suite. Il ne voulait pas savoir qu'elle avait souffert. Il l'avait vu, dans cette chambre d'hôpital, cracher du sang à en vomir, et espérer que ce soit suffisant pour la tuer. Il l'avait suffisamment vu, il ne voulait pas l'entendre. Il était venu jeter ces boîtes qui l'encombrent, pas les remplir. Elle soutient son regard jusqu'à ce qu'elle faiblisse.

- Le fait que tu partes était gérable. Je me suis détestée pour la manière dont je cherchais tes émotions dans toutes les autres personnes.

Il serra les dents et reporta son attention sur son thé qu'il n'avait même pas encore goûté. Du Whiskey aurait été plus adapté.

- Je crois que c'était ça, le déclencheur de mon état. Ce n'était pas à cause de ton départ. C'est le manque que ton départ a laissé qui a pris trop de place.

Elle essayait de faire en sorte qu'elle ne culpabilise pas, qu'il ne se sente pas responsable.

- J'ai toujours été seule, précisa-t-elle, parce que c'était plus facile avec l'empathie, et ça n'a jamais été un problème pour moi.

Elle marqua une courte pause avant de murmurer :

- Après ton départ, pour la première fois, j'ai goûté à la solitude.

Sa voix s'était brisée, comme elle le faisait souvent autrefois. Mais surtout, elle avait murmuré. "Je donne une partie de moi avec ces mots." Il ne sut pas vraiment pourquoi, mais cette idée le ramena à un vieux souvenir qu'il avait enfoui.

- Je me souviens de tes sanglots, après l'attaque.

Silence. Il l'avait surprise. Il n'eut pas la force de la regarder, et elle ne l'avait pas non plus. Ils restèrent là, à regarder devant eux.

- Je ne sais pas pourquoi, mais je m'en souviens encore clairement. Juste tes sanglots, et ta main dans mes cheveux.

Un nouveau silence.

- Je me sens coupable d'eux.

- Tu n'y es pour rien.

- On s'en fout.

Il avait parlé durement. Il aurait pu crier, mais il s'était retenu. Il ne voulait pas retourner dans l'escalade de cri qui avait eu lieu ici même, il y a un peu plus de trois ans. Il s'était retourné vers elle dans son énervement passager, et il l'avait vu sursauter.

- C'était le fantôme qui avait remplacé tous les autres.

Ses épaules se détendirent lorsqu'il reporta ses yeux sur sa tasse fumante.

- Et puis, tu es devenu un fantôme à toi toute seule.

L'énervement était redescendu très vite.

- Je l'ai fait aussi, te chercher dans toutes les autres personnes.

Il avait presque murmuré. C'était un aveu qu'il faisait.

- Dans toutes les filles que je croisais, j'attendais qu'elles soient sarcastiques, qu'elles m'ennuient, qu'elles me montrent à quel point j'avais tort et qu'elles passent leur main dans mes cheveux comme tu le faisais.

Il appuya doucement sa tête sur la fenêtre en face de lui, les yeux toujours rivés vers le plancher.

- Oh, elles étaient ennuyantes.

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