pour l'amour du ciel

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"Lorsqu'il n'y aura plus d'amants heureux, le ciel perdra sa couleur."
— Wilhelm Reich.

L'écho de la musique résonnait dans toute la pièce, ce n'était pas très grand, un vieux garage retapé, tout juste meublé pour passer la soirée, pour fumer, jacter, baiser puis s'enfuir juste après car ici, c'est pas un coin où faut s'aimer. L'amour, c'est pas recommandé, et puis.. et puis c'est trop beau pour leur vie à eux. Eux sont écorchés, eux sont assoiffés de péchés, eux sont affamés des plaisirs de la vie. Ils ne désirent que la nuit, que la fraîcheur de leurs insomnies.

Un épais nuage de fumée — ou peut-être de poussière — se rassemblait au dessus de leurs têtes, aucun n'y prêtait attention, ou peut-être lui. Un brun un peu à l'écart du canapé, là où tous étaient rassemblés en une sorte de ronde semblable à celles faites en primaire à l'heure du goûter. Harry, le cousin de Tom et le petit ami de Lisa. Harry, arrivé le mois dernier. Harry, celui aux cheveux mi-longs bouclés. Harry qui semblait absolument détaché de leurs conversations, à se demander ce qu'il faisait là. Il avait sur le visage un air qui trahissait sa différence, il n'était pas comme eux.

Tom l'avait intégré à son groupe d'amis quelques semaines auparavant, il ne lui avait pas fallut beaucoup de temps avant que la jeune Lisa ne lui tombe dans les bras. Lisa aux yeux noisettes. Lisa au parfum framboise plutôt envoûtant mais un peu dérangeant. Lisa aux teintes blondes et pâles.

Elle était jolie Lisa.
Mais Harry ne l'aimait pas.

Non, lui aimait les personnes simples et non extravagantes. Encore une fois, il n'était pas comme eux. Lui voulait aimer, contrairement à eux. Il espérait tomber éperdument amoureux de quelqu'un, il rêvait souvent de sa personne, lui ou elle, il ne s'en souciait pas. Sa personne serait juste sa personne. Peut-être serait-elle blonde ou peut-être rousse, Harry ne s'en souciait pas vraiment. Il espérait juste que sa personne l'aimerait aussi. Il espérait juste que quelque part, quelqu'un l'attende. Il est un peu niais Harry. Encore une fois, il est différent des gens d'ici. Mais ça, Harry ne s'en soucis pas.

— Eh. Haz. Tu peux y aller mec ?

Tom avait brisé le confortable silence dans lequel Harry s'était plongé d'une phrase.

— Pardon ?

Harry répondit rapidement en passant sa main dans ses cheveux, il faisait toujours cela lorsqu'il était un peu gêné ou lorsqu'il ne savait pas vraiment quoi répondre.

— Aller chercher des bières fraîches dans le frigo en haut. Tu peux y aller ?

— Hum, ouais, bien sûr.

Il faut dire que ça tombait plutôt bien, Harry s'ennuyait un petit peu, en bas. Tom vapotait avec Jess, son coup pour la soirée, et Lisa était sûrement trop défoncée pour qu'Harry ne veille trop l'approcher. Il n'aimait pas vraiment ce genre de soirée, ce genre de personnes, il était différent. Il ne se droguait pas. Il ne buvait pas au point de ne plus se rappeler de son prénom. Il était loin d'être sain, mais comme eux, il ne l'était pas.

Le bouclé monta les marches deux par deux et arriva rapidement dans la cuisine. Il prit deux packs de bières, un dans chaque main, et ferma la porte du réfrigérateur à l'aide de son pied gauche. En faisant ce geste, il remarqua que sa chaussure était un peu usée sur les tissus extérieurs, le rouge commençait sévèrement à se délaver et les coutures à se déchirer. Harry trouvait que ce côté usé leur allait bien, il les préférait ainsi.

En se dirigeant vers la porte du garage, il tomba sur l'entrée du salon, il n'y avait pas prêté attention avant, mais plusieurs cadres photos ornaient les meubles. Les photos sont un petit peu comme des instants de vie, elles capturent les choses que l'on a tendance a trop vite oublier. Harry posa alors les cartons sur la table basse et se mit à les regarder de plus près. Il prit un ou deux cadres entre ses fins et longs doigts, les bordures étaient froides et poussiéreuses. Il trouvait ça beau. Pas un beau banal, un vrai beau, un beau qui lui rongeait un peu le coeur. Il n'avait pas de photos avec sa famille, lui. Il n'avait plus vraiment de famille, lui. C'est d'ailleurs sûrement pour ça qu'il était venu là. Dans cette petite ville froide, aux teintes grisâtres et aux personnages bizarres et déprimants. Tom était la seule famille qui lui restait. Encore mineur, il fallait bien qu'Harry se retrouve quelque part. Ce n'est pas toujours évident, mais sa tante avait accepté de l'héberger un peu, au moins quelques mois, au moins jusqu'à ses dix-huit ans.

Recueil OSWhere stories live. Discover now