Un, deux, trois, quatre

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Téo se réveilla aux premières lueurs du jour.

La jeune fille sauta hors de son lit, fila faire un brin de toilette et coiffa ses courts cheveux blonds en deux petites nattes. Une fois ces modestes coquetteries derrière elle, Téo mit son lit en ordre, puis elle enfila sa tenue réglementaire : pantalon, chemise et veste grise. Elle se saisit de son sac de toile et y rangea précautionneusement sa tenue d'exercice, ainsi que des sous-vêtements de rechange.

Pleine d'énergie, elle dévala les escaliers qui menaient de sa chambre dans les combles de la maison familiale jusqu'au petit salon au rez-de-chaussée. Ses parents étaient déjà levés et ils prenaient leur repas autour de la table branlante, placée devant la fenêtre donnant sur la rue. Un rayon de soleil entrait depuis l'extérieur et baignait le salon d'une douce lumière. Ses parents se faisaient face, chacun devant son bol. Des fruits étaient disposés entre eux, pommes, poires et raisins.

Sa mère leva les yeux alors qu'elle les rejoignait. Elle lui sourit et l'invita à s'asseoir pour manger.

— Désolée, maman, fit Téo, j'dois y aller.

— Teodora, fit sa mère avec une moue désapprobatrice, on ne commence pas une journée sans avoir mangé quelque chose. Tu vas avoir une fringale au cours de la matinée. Dis-lui, Tobias.

Son père leva à peine le nez de son bol et se contenta de pousser un grognement. Il ne parlait presque plus à Téo depuis qu'elle avait été enrôlée. Cela la rendait un peu triste, mais il serait bientôt obligé de se rendre à l'évidence. De voir le fruit de son travail.

— Et regarde-moi ça, poursuivit sa mère en lui touchant tendrement les cheveux. Tu n'es même pas apprêtée correctement. Une belle fille comme toi ! Comment veux-tu qu'un garçon te remarque si...

— J'ai absolument pas envie de plaire à un garçon, maman, soupira Téo.

— Ne dis pas de sottises. Tous ces beaux jeunes hommes, de futurs officiers ! Tu vas passer tes journées au milieu d'eux, tu peux tout aussi bien te trouver...

— J'y vais, la coupa Téo, sachant très bien qu'elle ne parviendrait pas à se faire comprendre.

Elle déposa un baiser sur le front de sa mère, adressa un geste à son père et sortit.

Le temps était magnifique ce matin. Il mettait en valeur sa merveilleuse ville. Les rues pavées de Port-Bleu, pleines de marchands, de marins et d'enfants courants en tous sens étaient célèbres à travers le royaume. Les gens venaient de tout Maara pour prendre du bon temps ici, et Téo se sentait privilégiée de pouvoir se réveiller chaque matin dans cette cité.

Elle aimait sa ville, elle aimait ses habitants, et elle aimait sa vie ici. Sa nouvelle vie. 

A seize ans maintenant, alors que toutes ses amies commençaient à courir les magasins de vêtements et de maquillage pour trouver un bon parti, Téo avait décidé de prendre une autre voie. Elle n'avait pas envie de porter du fard à joue, des couleurs sur ses lèvres et des robes à volants. Elle n'avait pas envie d'aller de bal en bal, de danse en danse, de prétendant en prétendant. Elle ne voulait pas se faire faire la cour, refuser, refuser encore puis céder et se marier à quelque noble pour s'occuper de la maison.

Elle voulait faire partie de la garde de la cité.

Protéger les siens, garantir la sécurité de sa ville, voilà la vie qu'elle voulait mener. Porter une arme, un uniforme, courir, se battre peut-être. Tout cela la faisait rêver, alors qu'à écouter les autres, elle aurait dû en avoir peur. Ses amies, son père même lui disaient que c'était impossible, que le métier de garde était réservé aux hommes, mais c'était faux. Diane la Blanche avait été la première à réussir l'examen de passage il y a dix ans de cela. Avant elle, aucune femme n'avait jamais officiellement défendu le continent de Maara. 

LuneWhere stories live. Discover now