Chapitre 1

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House on a hill, The Pretty Reckless

"House on a hill

The living, living still

Their intention is to kill and they will, they will

But the children are doing fine

I think about them all the time"

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Spencer, assit dans sa voiture depuis vingt minutes, jouait nerveusement avec ses clés. Il avait menti à ses parents, prétextant une formation professionnelle, pour échapper à leur épouvantable surveillance et revenir ici, dans la ville de son enfance. Onze ans après les faits, le jeune homme avait choisi de partir en quête de vérité. Plus que jamais, Spencer avait besoin de savoir pourquoi ses parents avaient décidé de quitter la ville si précipitamment, mais surtout... Mais surtout pourquoi ils avaient abandonné sa jeune sœur. Onze ans que les portes de cet institut spécialisé s'étaient refermées sur Talullah. Onze ans que leurs parents agissaient comme s'il était fils unique.

Spencer estimait qu'il avait toujours été un bon fils, bien qu'on ne l'ait jamais félicité pour ça. Il n'avait jamais causé d'ennuis à ses parents, n'avait jamais fumé, n'avait jamais bu... Il avait renoncé à toutes ses relations amicales ou amoureuses. Il avait même accepté immédiatement les plans de carrière qu'on lui avait imposés. Voilà pourquoi, à vingt-et-un ans, il était policier. Comme son père et son grand-père. Bien que Spencer aimât aider les gens, il n'avait jamais eu pour vocation d'entrer dans les forces de l'ordre. En vérité, il aurait préféré devenir infirmier, détective privé, ou même travailler avec les enfants. Toutefois, il n'avait opposé aucune résistance à ses parents et avait suivi la voie qu'ils lui avaient choisie. Jusqu'à aujourd'hui. Ils avaient une telle emprise sur lui et il se sentait terriblement seul. Il espérait qu'un jour, il trouverait la force de s'évader de cette prison.

Prenant son courage à deux mains, Spencer sortit enfin de sa voiture, la verrouilla et emprunta le long chemin de terre qui remontait la colline jusqu'à la New Eden Psychiatric Institution. La première chose qui le frappa était l'absence totale de portail ou de barrières. N'était-ce pas là un élément essentiel ? Comment parvenaient-ils à assurer la sécurité des patients ? Malgré tout, il continua à avancer, apercevant au loin le gigantesque bâtiment blanc. Contrairement à de nombreux instituts spécialisés qui avaient simplement changé de noms dans les années quarante, la New Eden Psychiatric Institution n'était pas un asile à la base, ni même un lieu de soin. D'après les archives de la ville, il s'agissait de la gigantesque demeure d'une riche héritière qui, n'ayant pas de descendance, l'avait reconverti en orphelinat. Ce n'est que plus tard que l'endroit devint un institut psychiatrique réservé aux enfants. Ce changement d'activité avait fait grand bruit à l'époque, les habitants n'appréciant guère la mauvaise publicité qu'un tel établissement risquait d'engendrer. Malgré tout, en secret, certains étaient rassurés. Ils avaient enfin la possibilité d'interner leurs enfants discrètement, sans avoir à parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres. Les différences ne leur plaisaient guère et la seule mention de la folie leur offrait des frissons de peur, si bien que les livreurs et le rare personnel pour l'institut ne se bousculaient pas aux entretiens. Loin de là.

Malgré le fog persistant de ce mois d'octobre, la silhouette des marches du perron commença à se dessiner. Spencer perçut même quelques cris d'enfants qui jouaient, provenant sans doute de l'arrière de l'institut. Le jeune homme pressa le pas, désormais inquiet que sa nervosité ne le rattrapât. D'une main, il agrippa la lanière de son sac et, de l'autre, ne voyant aucune sonnette, il frappa trois fois à la lourde porte en bois. Lorsqu'elle s'ouvrit à peine une minute plus tard, il sursauta, ne s'attendant pas à une réponse si rapide. En réalité, dans un coin de son esprit, Spencer imaginait même que personne ne viendrait lui ouvrir. Jamais. La femme qui apparut ne devait pas dépasser les quarante ans et avait un type latino très marqué, chose rarissime dans le coin. Ses yeux bleus le fixèrent quelques instants avant qu'elle ne se décida à prendre la parole.

LullabyWhere stories live. Discover now