Écourté pour mieux apprécier

4 0 0
                                    

Il y avait très peu de chance pour que quoi que ce soit d”incroyable arrive à une personne lambda. Par incroyable, nous entendrons bien sûr les choses habituelles: attaque soudaine de créatures mythiques dans le métro, découverte de pouvoirs spéciaux chez une personne bien des choses sauf spéciale, et l’incontournable changement de dimension, monde et univers qui faisait le bonheur de nos lecteurs de fanfictions.
 C’était une histoire de statistique, quand on y pensait. Déjà, on pouvait remarquer que les chances sont liés à la démographie de votre lieu de vie. Expliquons-nous bien: il était bien plus probable pour vous de rencontrer un scénario épique dans une grande ville, telle que Paris ou New York, plutôt qu’un petit village de province comme La Dynamite ou La Poterie-Cap-d”Antifer. C’était logique ; si vous-même n’aviez aucune idée d’où se trouvait ces villes sur une carte, comment les démons et les divinités extra-terrestres le sauraient-elles?
 Ensuite, il aurait fallu que vous ayez quelque chose de spécial en vous, même si en vous regardant dans le miroir ce n’était pas l’évidence même. Pour attirer les monstres, il faut soit avoir un pouvoir inconnu très recherché caché au fond de sa poche, soit qu’une partie de votre corps-de préférence les yeux ou le sang -à contrario de votre orteil gauche ou votre troisième vertèbre- eut beaucoup de valeur sur le marché. Pour ce qui était d’un changement de monde par inadvertance, il sera de bon ton de s’armer d’un talent inné pour contrer quoi que vous allez affronter, bienqu’encore le simple titre d’«élu» vous octroiera immédiatement le droit de vous faire servir et aider par la moitié du pays visité. Mais passons, vous avez compris.
 Mais pourquoi vous parlais-je de ça, vous demanderez-vous? Et pourquoi, narrateur que je suis, m’autorisais-je à briser le quatrième mur, sans pression? Est-ce que je croyaisavoir trouvél’originalité et le jamais fait à travers cette expression? Pour tout vous dire, je n’en savais trop rien, je ne m’étais pas renseigné plus que vous et lire me fatiguais généralement rapidement. Le fait était que grâce à cette introduction quelque peu trop hautaine, j’ai pu économiser plusieurs lignes sur mon objectif journalier, tout en justifiant mes futures narrées. D’aucun vous dirait faire face à un cas sévère de fainéantise, je répondrais à cela par la négation ; c’était de l’efficacité. Et bien heureusement, il ne restait plus temps de s’amender, car l’heure était venue de les faire entrer.
A l’instar de la majorité de la population de ce pays, nos quatre héroïnes étaient on ne peut plus normale. Peut-être un peu dans l’excès parfois, mais c’était les aléas la jeunesse qui guidaient leurs pas. Leur seul point un tant soit peu particulier était d’avoir chacunetoujours eu le même cercle d’amies les entourant. Pouvait-on écrire ce genre de qualité dans un CV? Très peu probable, mais il fallait admettre qu’elles étaient, à elle quatre, une personne très spéciale.
 Rachel Nancy, née Alice, avait 18 ans lors des faits, à l’instar de toutes ses amies. Rachel avait une très bonne mémoire, excellente même. Elle pouvait réciter toutes les œuvres se trouvant dans l’aile ouest du Louvre, et reproduisait à la perfection l’alphabet grec, japonais ou encore hébreu. Des choses, ma foi, très utile, si un contexte très spécifique la trouvait. Si ce n’étaient de ses capacités intellectuelles, sa personnalité n’était pas aussi impressionnante. Elle n’était pas plus timide ou réservée qu’une autre, mais possédait un instinct de conservation qui pourrait s’apparenter à de la paranoïa. Chose amusante quand on sait que, de manière générale, ce sont les autres qui avaient tendance à la mystifier, bien malgré elle. En effet, elle était très porté sur le noir, et il n’en fallait pas plus pour la faire entrer dans une catégorie très particulière aux yeux du reste du monde.Elle appréciait les teintures noires, les vêtements noirs, les regards noirs et, sans jeu de mot aucun et avec parcimonie, être noir.
 Luna Lunel était un peu plus... ou plutôt un peu moins... enfin, elle était Luna et d’aucun pourrait dire que c’était déjà pas mal. Élevée par des parents en constante instance de divorce, elle a toujours reçu des conseils très contradictoires de chacun. De sa mère, elle finira par prendre son côté lunaire et déluré, pas toujours raisonnable mais créative et mélomane. De son père, la constance, le respect, ainsi que l’« omission n’était pas vraiment un mensonge mais plutôt un compromis ». De ces enseignements quelques peu abstraits dans la forme mais douteux dans le fond, Luna devint une femme dans le fond équilibrée mais abstraite dans la forme. Elle non plus n’avait pas de problème à exprimer ses idées, bien que s’il avait fallu compter le nombre de fois où le terme «répéter» avait été utilisé en sa présence, il serait devenu un mot sanctifié par sa présence omnisciente.
 Jordan Metz ressemblait beaucoup à Luna, bien plus physiquement que mentalement il fallait l’admettre. Et c’était dire ; leurs mères étaient sœurs, faisant d’elle des cousines, bien que la dite mère de Jordan n’aient jamais fait preuve de quelconque familiarité avec aucune d’entre elles. Peu de gens savaient, car peu de gens se le demandaient, mais l’histoire de la vie de Jordan était bien triste. Peu de temps après sa naissance, un temps se comptant en jours c’est peu dire, sa génitrice s’enfuit de ses devoirs maternelles en déléguant sa charge à son petit-ami de l’époque, le père actuel de notre protagoniste. Son père, que l’on nommera car il le mérite, Wilhelm Metz, fut bien désemparé par cette nouvelle. Il avait quitté cette femme il y a plusieurs mois, et n’était pas dans une situation très confortable pour élever un enfant, en partant du principe qu’il savait comment faire. C’était avec l’aide de la tante de Jordan, la mère de Luna, et sa détermination qui était, d’après les témoignages, à s’émouvoir, qu’il devint un père célibataire si génial qu’il était fut presque devenu le héros de cette histoire. C’était donc élevé par un inspecteur de police renommé pour son expérience de l’autre côté des barreaux que Jordan devint une jeune femme loyale et sans aucune mauvaise intention. Les mauvaises langues diraient que ce fut lié au fait qu’elle n’était pas des plus malignes, mais cela n’entachait aucunement sa popularité grandissante au travers de son parcours sportif. Une championne, c’était Jordan, et il n’y aurait pas eu meilleur athlète qu’elle si un accident indépendant de sa volonté ne l’avait pas bloqué pendant des mois dans une chaise. Une triste période pour leur petit cercle.
Enfin, mais pas des moindre, Moanica d’Avignon. Il était compliqué de parler de Moanica, que ce soit de son histoire ou de sa personnalité. Telle une créature au pouvoir pacificateur, le monde tournait autour d’elle sans jamais la frôler. Elle avait grandi dans l’attente qu’elle dirige un jour du monde, ou le monde, au choix. La population extérieure n’avait droit qu’à ses regards méprisants que mérite la basse populace d’une reine immaculée. Les scientifiques n’en avaient pas la preuve concrète, mais il était dit dans l’ombre que les oiseaux arrêtaient de piailler pour ne pas la déranger et que la pluie arrêtait de tomber quand elle sortait. C”était effrayant. Alors oui, on me pardonnera, car il est compliqué de parler de Moanica d”Avignon. Ce qui l’était moins, en revanche, c’était de parler de Nica. Clairement, Nica était bien plus sympathique à présenter. Nica était celle qui lançait sa chaussure dans les cyprès pour faire taire les oiseaux alors qu’elle regardait le 27eme épisode de sa série. C’était aussi celle qui se baladait toujours avec une pharmacie, un parapluie, un tazer, un compas et trois trombones pour ne jamais être prise de cours. Elle, elle était inimitable, malheureusement elle n’était pas réservée au commun des mortels mais seulement à quelques élues qui se gardaient bien de la partager avec le reste du monde.
 Ces filles, elles étaient un peu égoïstes et co-dépendantes, mais difficilement détestables. Il était rare de voir des gens rester si proches aussi longtemps. Pour Luna et Jordan, c’était, de part leur vie, évident qu’elles allaient devoir se supporter pendant un moment, mais comment Moanica et Rachel s’étaient rajoutées à cette joyeuse salade, c’était une autre histoire. Le fait était que depuis leur maternelle, dans la chouette et petite ville d’Istres, elles s’étaient suivies et s’étaient enlisées les unes avec les autres.
 En première année de primaire, Rachel avait fait exprès de briser ses lunettes pour lire moins vite et ne pas monter en grade. Jordan, de manière tout à fait bienveillante, voulu briser le nez du garçon que son amie avait, volontairement, percuté. Luna avait oublié de préciser à sa maîtresse que c’était Jordan qui avait initié les hostilités. Moanica ne s’était pas sentit de rectifier.
 Au collège, Moanica faillit se faire renvoyer pour insubordination et insulte envers un professeur. Rachel mena sa petite enquête pour finalement établir auprès du proviseur lui-même que le terme «grotesque» n’était pas destiné au professeur en lui-même, mais à sa tenue vestimentaire qui rappelait les ornements découverts à la renaissance. Jordan se demanda alors comment un tel mot pouvait être prit pour une insulte. Luna répondit à haute voix qu’il fallait certainement être un baltringue pour s’en offusquer ainsi. Elles furent toutes exclues pendant deux semaines, mais elles sortirent une nouvelle fois victorieuse de leur futiles problèmes d’ados.
 La dernière semaine du bac, le stage intensif de Jordan débuta en catastrophe. Luna omit de rappeler que dix matières en sept jours, il y aurait forcément un soucis pour le timing. Rachel lui ordonna de se mettre à bosser au lieu de piquer du nez. Jordan sortit avec pile la moyenne dans toutes épreuves. Moanica de manqua pas de narguer leur professeur principal qui, au début de l’année, leur avait effectivement dit que leur amie ne s’en sortirait certainement pas. Dans les dents.
 Cela les mena, à la mi-juillet, à se voir partir pour un road-trip à travers l’Europe avec plus ou moins l’accord de la totalité des parents. Les plus importants l’étaient du moins. Elles passèrent par l’Espagne, l’Italie, remontèrent par la Suisse, la Belgique et l’Allemagne pour finalement arriver, à la mi-Septembre, en Irlande. Wicklock était une charmante petite ville côtière, situé à seulement quelques kilomètres de Dublin, ce qui rendait le prix de ses auberges de jeunesse très intéressant. Même en ayant économisé durant tous les étés depuis 3 ans, il n’était pas de bon ton de faire des folies en se payant le luxe d’un hôtel. Et puis les auberges de jeunesse avaient quelque chose de plus convivial, bien malgré leurs relents de transpiration qui eurent failli coûté la vie à quelques asthmatiques.

Apple Lemon RulesWhere stories live. Discover now