Création - Désarticulé.

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Samedi 15 janvier 2022

Les enfants jouent dans la neige.
Si seulement ils savaient qu'elle va fondre...

Mon esprit s'envole par la fenêtre. 
Je l'ai refermée.

On m'a coupé mes fils. Je ne suis qu'un pantin,
un pantin parmi des milliers d'autres.- encore un;
je suis désarticulé, inutile, avachi sur les planches.
La musique de mon spectacle s'est tue. Le silence règne
en maître- en maître; absolu. La sentence
tombe;
Je suis conda-
mné.

Je ne suis plus qu'un spectateur. Les pantins inutiles n'apparaissent pas sur scène. Moi je reste dans le fond, sans un mot, sans un soupir, sans une protestation. Résigné. Je m'
ban
do
nne

Seul.

Je suis toujours un spectateur. Quand je parle, quand j'entend, quand j'écoute, quand je souris, quand je pleure, quand je pense, quand je rêve ; ce n'est pas moi. C'est mon masque. Moi je regarde juste, à côté de mon corps, à côté de mon âme, ma vie qui passe lentement, chacune des secondes qui s'égrènent avec la précision d'une horloge, sans mot dire. Je m'en fiche.

Ma cons
cien
ce es
t
Réveillée.

Ça y est, je suis réveillé. Pour de bon. J'ai l'impression de sortir de l'eau après une très longue apnée. Je suis de nouveau dans mon corps, je suis moi, me voilà, j'arrive
Mais
Je n'ai
Toujours
Pas
De fils.

Je reste sur le sol.
Je suis révolté, indigné, en colère, instable, cachant mon angoisse et mon incertitude derrière un masque d'impatience et d'irritation.
Que le maître des pantins aille au diable ! Je n'ai que faire du destin, de la logique, du bon sens. Je ne suis pas - plus - un pantin ! Et merde aux spectateurs qui attendent la suite. Je m'en contrefiche complètement.
Je n'ai pas besoin de fils pour me relever. Je peux le faire tout seul.

Je le peux.
Alors je me lève, je coupe mes cheveux, je déchire mes vêtements usés et je me pare de la soie précieuse que j'ai trouvée au fond de la roulotte. J'arrache les rideaux de la scène et je déboule au milieu des planches, je pousse les danseurs, ces pantins dénués d'âmes et dénués de cris, je ne regrette plus rien. Je danse sans regarder les autres, je m'en fiche, je suis libéré, Pinocchio absurde et désabusé
qui se saoûle de bruit
et de rires
et de cris
Pinocchio privé de ses fils et de sa servitude
Je m'enfuis
Et je cours toute la nuit, ivre des étoiles au dessus de moi et de l'herbe sous mes pieds.
Le spectacle est terminé
Les rideaux refermés
Mesdames et messieurs,
Applaudissez !

- INSOMNIES - Sombres joursWhere stories live. Discover now