À nouveau seuls dans le couloir, je savourai l'odeur du métro : quelque chose de sale qui avait la saveur du passé.

« Vous voulez le tenir dans vos mains ? demanda soudainement Romain.

— Je n'ai pas de gants, répondis-je immédiatement.

J'entendis Margaux s'en emparer.

— C'est lourd et c'est tout petit, s'étonna-t-elle.

J'hoquetai. La main de Romain glissait sur mon collant. Après avoir déposé une brève caresse, il emballa l'objet dans le velours de ma robe et me le fit sentir au travers. Margaux avait raison, le revolver était lourd.

— Il n'y a qu'une seule balle, je n'avais pas assez d'argent pour deux. Je n'aurai qu'une seule chance », commenta Romain.

Nous prîmes le croisement à la hauteur du Louvre, que je n'avais pas osé voir depuis son pillage par les insurgés. Trois communards s'asseyaient actuellement dans les Confidents en velours de soie cramoisi de Napoléon III. Quant à nous trois, on se partageait un matelas dans ce qu'il restait d'une chambre de bonne du neuvième arrondissement.

Nous retrouvâmes la lumière à l'entrée des Champs-Elysées. L'avenue était déjà pleine. Nous pataugions dans la neige noire, évitant les ordures mêlées à la boue et aux excréments, amassés sur les anciennes pistes cyclables. Quelques enfants jouaient sur des tapis immaculés, sur les fontaines gelées du rond-point. Qui les avait laissés venir ici ?

Margaux me tira de ma contemplation en prenant ma main. La masse humaine se resserrait autour de nous.

« Poussez avec vos coudes », nous conseilla-t-elle.

Un milicien tint à nous fouiller. Je jetai un regard alerte à Romain qui me répondit d'un sourire trop large. Il passa avant moi et on l'autorisa à pénétrer l'avenue. Je remarquai alors la lourdeur dans la poche intérieure de ma robe, il y avait laissé le revolver. Le milicien passa ses mains sous mes aisselles, contre ma taille puis sur mes cuisses. Je poussai un cri de désapprobation. Le milicien pinça les lèvres et me laissa passer.

Nous nous faufilâmes parmi la foule. Quelques communards se portaient bien, aux balcons d'anciens hôtels particuliers.

Margaux nous obtînt une place contre les grilles. J'étais la plus petite, on me laissa poser mes pieds sur la barrière. Romain était dans mon dos. Nous patientâmes quatre heures ainsi.

Soudain, les cavaliers de l'ancienne garde républicaine firent leur apparition, arborant le nouveau blason de Paris. Puis, un régiment d'infanterie incomplet défila, tous vêtus de leur uniforme de cérémonie. L'un d'entre eux portait la flamme du soldat inconnu, que l'on rallumerait aujourd'hui après deux ans d'extinction.

Puis, je l'aperçus. Milan Montmarcy, plus grand que je ne l'avais imaginé. Il portait un long manteau en daim aux revers de fourrure. La foule se pressa contre les grilles en l'apercevant. La présence de Romain m'empêchait d'être malmenée, ses mains vinrent se poser de part et d'autres des miennes, autour de la barrière.

Ils voulaient tous voir ce sourire perçant. Parfois, son visage était dissimulé par les miliciens autour de lui mais je voyais toujours cette main en l'air qui nous saluait. Il était à pied, comme nous tous depuis le soulèvement de Paris.

Il était presque à notre hauteur, je le voyais parfaitement. Je sentais Romain s'enflammer derrière moi. Ses doigts s'infiltrèrent à nouveau entre les boutons de ma robe pour s'emparer de l'arme. Je l'immobilisai une seconde, pressant ma main contre la sienne, cessant de respirer.

Soudainement, le regard de Montmarcy croisa le mien. Il resta figé quelques secondes et s'avança en direction de ma rangée. Un de ses gardes du corps tentait de le dissuader mais il était déterminé. C'était moi qu'il regardait.

Je restais stupéfaite, la bouche entrouverte, écarquillant les yeux pour ne pas pleurer. C'était à cause de lui que ma famille et moi avions été expropriés, que mes parents avaient été tués dans les luttes révolutionnaires. Par sa faute, mes petits frères étaient morts dehors, dans mes bras. Hypothermie et accident cardiovasculaire.

Je vis le bras de Romain s'avancer à ma gauche, il pointait son revolver. Son autre main s'accrochait à ma taille. J'entendais des cris, mon regard restait fixé sur mon ennemi. Son regard était vert, et resta vert.

On entendit un unique coup de feu. La présence de Romain s'était lentement désolidarisée de mon dos. Un milicien l'avait eu avant qu'il ne puisse tirer.

Romain était mort. Une balle dans le front.




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Coucou tout le monde, j'espère que vous allez bien !

Je vous retrouve aujourd'hui avec une nouvelle histoire. C'est un court projet mais qui m'enthousiasme beaucoup car il réunit tout ce que j'ai fait jusqu'à présent : de la romance et de la violence 🤍🩸

Il y a aussi de la politique, comme vous vous en doutez, et c'est la première fois que je me lance ! Ceux qui me connaissent savent que j'ai étudié les Sciences Politiques et que c'est donc un thème qui me tient énormément à cœur. Je n'avais pas osé sauter le pas jusque-là, alors j'espère que ça vous plaira.

Alors, comment est-ce que vous sentez Judith ?

Et Milan Montmarcy ?

J'espère que la mort de Romain ne vous a pas trop brisé le cœur. Même mort, il gardera son importance dans l'intrigue.

Vous pensez qu'il se passera quoi ?

JUDITH ⎢Gagnante concours Mythes Modernes sur FyctiaWhere stories live. Discover now