Prologue

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Heures Sombres

XVIIIe siècle, Blancheroque.

Les filles se serrèrent autour d'elle en grelottant de peur. Chacune faisait preuve de courage, ne laissant échapper aucun mot qui signalerait leur présence. Quelques étages au-dessus d'elles, les cris se turent plusieurs minutes d'affilée. Des bruits de pas, une course effrénée, puis des hurlements à nouveau. Le son d'explosion d'un sortilège retentit et ébranla les murs, projetant de la poussière depuis le plafond. L'une d'entre elles toussa mais étouffa rapidement le bruit.

La jeune femme aux cheveux noirs secoua la tête, elle ne pouvait permettre à tout ça de continuer. Elle se sentait tiraillée entre le devoir de protéger les adolescentes et l'envie d'aller porter secours à ses consœurs, son Convent, qui se faisait décimer là-haut Elle jeta un œil au groupe disparate et son regard se posa sur les grands yeux effrayés de sa propre fille, Iris. Son cœur était déchiré de devoir l'abandonner là.

Elle soupira en arrêtant la décision qui lui coûterait probablement la vie. Sans compter l'hostilité de ses sœurs, si elle ne mourrait pas aujourd'hui. Comprendraient-elles son geste ? Après un dernier regard pour les gamines, elle enlaça son enfant en lui murmurant quelques paroles de réconfort. Elle dessina un symbole de protection dans les airs, et porta la main gauche au niveau de son cœur en baissant la tête, les yeux fermés, un geste d'adieu au sein du Convent, et leur ordonna de ne pas bouger tant que le péril ne serait pas écarté. Si quiconque n'appartenant pas au Convent et à l'Académie approchait, elles devraient se défendre.

En espérant que le danger ne vienne pas de l'intérieur... songea-t-elle.

Même si cela lui en coûtait, elle devait bien avouer que c'était une possibilité à ne pas écarter. Déterminée, elle ôta le médaillon doré qu'elle portait autour du cou tout en murmurant une incantation. Le bijou se mit à luire d'un ton émeraude pendant qu'elle le transmettait à Iris en prononçant un court rituel. La jeune fille protesta doucement en s'accrochant à elle. Elle saisit les mains de sa fille, les serra entre les siennes, si fort, que s'en était presque douloureux. Elle tut sa peine, effaça les larmes de ses yeux. Elle se devait d'être forte, de montrer l'exemple pour que les filles ne craquent pas à leur tour.

— Mais... maman, tu en auras besoin !

La Sorcière la fit taire, elle ne voyait qu'une solution à cette situation. Il fallait combattre le feu par le feu. L'ombre par l'ombre. Le destin avait tissé son fil pour elle et elle n'avait d'autre choix que de le suivre. Si elle devait mourir ce soir pour sauver ses sœurs et l'avenir de sa fille, c'est ce qu'elle ferait. Compte tenu de la teneur des sortilèges qu'elle avait aperçu, elle savait qu'elle n'avait d'autre choix que d'user elle-même d'une sombre magie.

Le cœur serré, elle élabora son sort à la hâte en parvenant à l'étage supérieur, puis se laissa guider par les cris qui déchiraient les lieux, le bruit de ses pas étouffé par un mot de pouvoir. Elle enjamba les décombres qui jonchaient le sol. Des briques avaient explosé sous la violence d'une attaque, éparpillant des éclats un peu partout. Autour du trou, le mur était noirci.

Elle rejoignit le réfectoire et capta la trace de deux de ses sœurs, qu'elle ignora — celles-ci se cachaient, et elle ne voulait pas les mêler à ce qu'elle prévoyait de faire. Un pleur étranglé lui parvint, à peine un murmure. Elle accéléra le pas. Au détour d'un couloir, une personne nimbée de ténèbres se penchait sur une femme. Elle reconnut la masse de cheveux blonds et espéra ne pas être arrivée trop tard. Son sang se glaça dans ses veines. Emeli était sa meilleure amie. Elle n'avait pas le temps de réfléchir davantage si elle ne voulait pas la perdre. La gorge serrée, elle prit une courte respiration et se plongea dans la transe qui lui permettrait de s'abîmer dans son pouvoir. Lorsque la silhouette sombre délaissa Emeli et se retourna vers elle, elle en eut le souffle coupé.

— Toi !

La douleur de la trahison manqua la submerger, mais elle se reprit quand son adversaire lança son premier sort. La Sorcière aurait dû être pétrifiée et incapable de réagir, pourtant, le pouvoir interdit dans lequel elle puisait était de ceux qui ne pouvaient être contrés que par une puissance supérieure. De tous temps, le Convent bannissait les Sorcières qui usaient de magie noire, dangereuse et instable... Son ennemie n'avait pas pensé qu'une de ses sœurs pourrait, comme elle, tomber dans les abysses de la magie noire. Elle se laissa envahir par la colère et la tristesse. Par cet emploi de la magie, elle se condamnait à tout jamais. Même si elle sortait victorieuse de ce combat, elle serait bannie par le Conclave. Cependant, elle avait déjà perdu sept de ses sœurs aujourd'hui, plus de la moitié du Convent, et l'une de ses membres – ou peut-être plus, songea-t-elle avec désarroi – les avait trompées, traquées, tuées et absorbé leurs énergies. Son opposante leva un sourcil en constatant la présence de la noire protection qui l'entourait, puis sourit.

— J'ai festoyé des pouvoirs de ces pauvres idiotes et je me repaitrai du tien et de ceux de ta descendance !

La brune secoua la tête, puis libéra le sortilège qu'elle préparait depuis qu'elle était remontée de la cave. La noire énergie l'envahit tout entière et le hurlement qu'elle poussa en relâchant le sort vrilla les tympans de son ennemie et de plusieurs de ses sœurs. Les ténèbres les environnèrent, étouffantes, s'insinuant dans tous les recoins. Son ennemie suffoqua.

Elle sourit, elle réussissait à la plier à sa volonté. Son adversaire vacilla, glissa...

Elle aurait dû l'anéantir. Elle avait observé sa puissance se défaire d'elle comme autant de filaments ombreux. La pâle lueur de la gemme qui luisait à son poignet lui permettait de discerner le visage de la traitresse qui se craquelait. Son cri d'agonie déchira l'air... Mais une douleur à la fois froide et brulante transperça son rein. Elle hoqueta, sa concentration s'altéra et elle tomba à genoux. À tâtons, elle découvrit la dague fichée dans ses chairs. En face d'elle, la femme émit un rire bref avant de se tourner de nouveau vers Emeli.

— Si tu permets, je dois d'abord en terminer avec ton amie, sinon, toute son essence sera perdue.

Elle tenta de se redresser, de puiser dans ses pouvoirs pour se guérir, au moins en partie, mais son sang, qui se déversait sur le sol emportait ses dernières forces avec lui.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 06, 2021 ⏰

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Par-delà les Ténèbres - 1 - À la lumière de SélénéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant