Chapitre 20 : L'Amour Impossible

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Le soleil n'était pas encore apparu à l'horizon quand Bernon réveilla la jeune femme dévêtue à ses côtés. Rothaïde se redressa lentement dans son lit puis réalisa que le pirate devait partir, et la peine dans son cœur réapparut de plus belle. Elle avait passé la nuit la plus magique qui soit auprès du jeune homme, mais leur bonheur ne pouvait durer éternellement.

Le hors la loi porta la main de la princesse à sa bouche et l'embrassa. La jeune femme avait la sensation qu'elle ne pourrait jamais se passer des lèvres de cet homme. Pourtant, elle n'en avait pas le choix.

- Sais-tu quand le mariage aura lieu ? demanda le renégat à contre-cœur.

Il savait qu'il devait bientôt quitter le château s'il ne voulait être vu par la garde matinale.

- Ma servante a entendu des rumeurs, le comte le préparerait pour la semaine prochaine.

- Comment saurais-je le jour exacte ?

Rothaïde ne répondit rien. Elle serait elle-même sûrement mise au courant la veille. Elle pourrait détourner quelques courriers d'invitations pour les nobles de Centule, mais elle risquait d'avantage d'être surprise par son époux et d'éveiller ses suspicions que de prendre l'avantage sur ce dernier.

- Je ferais courir une rumeur dans la ville.

Bernon hocha la tête. Le couronnement d'un nouveau couple royal était bien assez important pour que la nouvelle se diffuse à toute allure : il l'entendrait nécessairement.

- Qu'est-ce que je peux faire pour te protéger ?

La princesse secoua négativement la tête.

- Il n'y a rien que tu puisses faire, le couronnement est une cérémonie très fermée, tu ne pourras pas y assister.

Le capitaine n'aimait pas cela. Il haïssait le fait de ne pas être assez bien né pour aider la femme qu'il aimait. Tout lui rappelait leur condition et leur amour impossible.

- Viendras-tu me dire au revoir quand je serais reine ? ne put s'empêcher de s'inquiéter Rothaïde.

- Ne puis-je pas revenir dès ce soir ?

Même si son cœur en brûlait d'envie, la femme aux cheveux bruns nia.

- Je ne peux assurer ta sécurité ici. Je suis si épanouie de te revoir, mais je ne veux plus te mettre en danger. Quand je serais couronnée, j'aurais davantage de pouvoir.

Le renégat savait qu'elle avait raison. Il aurait voulu passer d'autres nuits à ses côtés, la dernière ayant été la plus belle chose qui lui soit jamais arrivée. Mais ce n'était pas prudent. Pour lui certes, mais aussi pour l'héritière. Si le comte apprenait qu'il avait partagé le lit de sa fiancée, il ne s'acharnerait certainement pas que sur lui et Bernon ne pouvait risquer cela.

- Je viendrai quand tu seras reine, accepta-t-il alors.

Ils savaient tout deux que la séparation ne serait pas plus simple à ce moment-là. Elle ne le serait jamais, ils s'aimaient bien trop. Mais ils ne pouvaient se résigner à se quitter maintenant.

- Fais attention à toi, lui murmura Rothaïde.

- Ce n'est pas à toi de me dire cela, tu es bien plus en danger que moi.

La future reine secoua la tête. Pour l'heure, elle se fichait bien du sort que lui réservait son fiancé. Tout ce qui lui comptait était que l'homme qu'elle aimait ne se fasse pas surprendre par ses gardes.

- Mon cœur brûlera toujours pour toi, Rose, murmura le pirate.

La princesse colla son front contre celui du blond. Elle savait qu'il s'agissait là des derniers mots qu'ils échangeaient avant de longs jours.

- Mon cœur est tiens à jamais, répondit-elle.

Puis le pirate se faufila vers les immenses fenêtres de la pièce et entreprit de longer de nouveau le mur de pierre. Bernon s'empêcha de regarder en arrière, il avait trop peur de ne plus pouvoir quitter celle à qui il avait donné tout son amour. Il sentait sa gorge se serrer, son ventre se tordre, son cœur se briser de nouveau. Il avait l'impression que la noble avait mis un baume sur tous ses maux et que, désormais, le bandage s'arrachait avec violence au fur et à mesure qu'il s'éloignait d'elle. De l'autre côté, Rothaïde ne pouvait s'empêcher de s'assurer que le pirate quittait la cour royale sans se faire surprendre. Elle aurait aimé qu'il ne parte jamais, mais préférait encore le savoir sain et sauf loin d'elle que de le voir emprisonner dans son propre château.

...

Les jours qui suivirent furent douloureux pour les deux amants. Les nuits semblaient être les pires : dormir seuls alors qu'ils avaient pu, l'espace d'un instant, enlacer leur amour, était insupportable. Puis le jour arrivait et rien ne semblait plus douloureux. Il leur était impossible de se voir, de se parler, de se sentir, de s'aimer. Depuis un mois, ils n'avaient jamais été aussi près l'un de l'autre, et pourtant, un océan semblait les séparer. Ils savaient qu'ils se reverraient, et pourtant leur éloignement semblait encore plus dur à supporter que leur dernier au revoir.

Comme elle l'avait prédit, Rothaïde n'apprit son mariage que la veille du jour fatidique. Elle demanda à Guéténoc de partir diffuser la nouvelle et espéra que Bernon percevrait bien le message. Il ne pouvait rien faire et il détestait la voir s'unir à un autre que lui, mais elle voulait qu'il le sache. Elle voulait savoir qu'il la soutenait même en étant absent.

Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Car le pirate n'avait jamais pensé un instant laisser la femme de son cœur risquer sa vie sans être présent pour la protéger. Trouver comment assister à la cérémonie ne fut pas une mince affaire, mais après de longues discussions avec son équipage, il parvint à établir un plan. Ils ne pouvaient usurper l'identité de nobles de peur qu'un ami de ces derniers constate la supercherie. Ils ne pouvaient non plus pénétrer le château illégalement : la sécurité renforcée le jour de l'union les surprendrait nécessairement. En revanche, ils pouvaient se faire passer pour des gardes. Lors de bals, les gardes de Centule étaient tenus de porter une armure complète pour imposer le respect autour d'eux. Un casque cachant ainsi le visage, ils passeraient la sécurité. Ne connaissant pas le protocole de surveillance du château, ils ne pourraient cependant pas rester chevaliers lors de la cérémonie. Il leur faudrait donc dissimuler des tenues de nobles et se changer une fois à l'intérieur du bal. Il était difficile de prévoir si leur plan fonctionnerait, mais ils se devaient d'essayer.

Bernon se devait d'essayer.

Hors la loi et bientôt ReineWhere stories live. Discover now