LES HÉRITIERS - LIVRE 1 [ WATTYS 2022 ]

ACTE I - Chapitre 9.

— Salut, les amoureux ! lança Isaac en arrivant à côté de Louis et Sam, enroulant un bras musclé autour du cou du garçon qui esquissait un sourire penaud.

— Qu'est-ce que vous foutez là ? demanda Sam à mi-voix, en fusillant Charlie du regard alors que cette dernière lui plaquait un bisou sonore sur la joue.

— Y'avait rien à la télé, se défendit la brunette avec un grand sourire innocent, avant de faire un signe de la main à Grace. Grace !

Occupée à servir un client à l'autre bout du bar, la jolie métisse lui fit un léger signe de tête avec un sourire pour lui signifier qu'elle arrivait.

Sam roula des yeux au ciel, échangeant un regard blasé avec Louis avant que ce dernier ne relève la tête vers Isaac, qui avait toujours un bras enroulé autour de ses épaules.

— Tu savais que je venais ici ce soir, il siffla dans un chuchotement agacé.

— Vraiment ? s'étonna innocemment le garçon, son grand sourire pétillant dévoilant une rangée de perles blanches.

— Isy...

— Oh ! lâcha Isaac en feignant la surprise, tout en posant une main théâtrale sur son torse. Oh, tu venais ici pour être avec Sam ?! Oh, je suis désolé, j'avais pas du tout compris ça ! Pas vrai, Charlie ?

— J'en avais aucune idée, enchérit la brunette en s'accoudant au comptoir à gauche de Sam, qui était en train de passer une main dépitée sur son front.

— Je me faisais chier à l'appart, et Tonie était trop crevée de sa semaine, continua Isaac. Alors, quand Charlie m'a envoyé un message, j'ai sauté sur l'occasion.

— Ouais, vu que c'est vendredi, je me suis dit que ça serait stupide de rester à la maison, enchaîna Charlie.

— À la base, je voulais lui faire découvrir l'Hamilton, tu vois ? Histoire de lui présenter notre fief habituel. Sauf que, pas de bol, c'était fermé.

— Comme par hasard, marmonna Louis.

— Du coup, je lui ai proposé de venir ici, reprit Charlie. Comme il avait bien aimé la dernière fois. Et puis, comme ça, il voit à quoi ça ressemble en temps normal.

— On n'avait vraiment aucune idée que vous seriez là tous les deux, conclut Isaac, en papillonnant plusieurs fois des yeux d'un air innocent.

— Qu'est-ce que je vous sers, les gens ? lança Grace en arrivant devant eux, coupant du même coup la réplique cinglante que Sam allait balancer au visage trop heureux de sa meilleure amie.

— Qu'est-ce que vous buvez ? interrogea Isaac en regardant Sam et Louis tour à tour. Vin rouge ? Ouais, c'est bien ça ! il enchaîna sans attendre la réponse des deux amis qui se décomposaient sur place. Charlie, ça te va ?

— C'est parfait.

— Alors, deux verres de vin rouge, s'il te plaît, il reprit à l'attention de Grace, en lui faisant un clin d'oeil séducteur et canaille.

La jeune femme esquissa un sourire en coin amusé en repartant pour aller préparer leurs boissons, et Isaac s'accouda au comptoir en zinc en regardant Sam et Louis qui restaient silencieux entre lui et Charlie, cette dernière fixant sa meilleure amie avec une malice non dissimulée.

— Je vais aller fumer une clope, déclara enfin Sam en se redressant. Charlie, tu viens avec moi ? elle demanda en tournant ses iris furieux vers la brunette, tout en fouillant dans son sac à main pour récupérer ses cigarettes et son briquet.

— Pourquoi ?

— Juste, viens.

— Non, tu vas me frapper.

— Oh non, je garde ça pour plus tard, rassure-toi, marmonna Sam en lui empoignant le bras pour la forcer à la suivre.

Charlie envoya un petit sourire à Louis qui plissait le front dans un mélange de gêne et d'amusement, et le garçon la regarda se faire conduire vers l'entrée par la démarche décidée de Sam, les talons de ses escarpins claquant contre le parquet ancien alors que le rock énergique des Arctic Monkeys emplissait l'espace bondé. Il observa les deux amies s'échapper sur la terrasse, et il ramena son attention sur Isaac, qui remerciait Grace qui venait de poser leurs boissons devant eux.

— Vous étiez vraiment obligé de venir ? il demanda enfin dans un soupir abattu.

— Je te jure, je savais pas que tu viendrais ici, se défendit son ami en arquant des sourcils innocents.

— Non, c'est sûr. C'est pas comme si je vous avais pas explicitement annoncé tout à l'heure, à toi et Tonie, que j'avais un rendez-vous avec Sam à cet endroit précis. Rendez-vous dont tu m'as parlé toute la semaine pour que je le prenne.

— C'était ce soir ? interrogea Isaac d'un air candide.

— Je sais pas pourquoi, mais je sens que cette nouvelle amitié entre toi et Charlie va devenir rapidement envahissante... soupira Louis en passant une main sur son front pâle, ses mèches emmêlées s'ébouriffant au passage de ses doigts fins.

*

— Je te jure que j'avais absolument aucune idée que vous viendriez ici, déclara Charlie en croisant les bras sur sa poitrine, ses iris carbone observant sa meilleure amie qui tirait nerveusement sur sa cigarette.

— Tu sais quoi ? T'es la personne la moins subtile que je connaisse, rétorqua Sam en plantant son regard blasé sur le visage joliment maquillé. Ton faux air innocent est littéralement visible depuis la lune.

— Bon, okay, lâcha son amie en levant ses mains dans un geste de capitulation. Disons que c'est mon subconscient qui m'a dicté de venir m'enquérir du développement de votre histoire. Mais j'avais pas le choix ! elle enchérit en voyant l'air outré de la photographe, qui allait pour répliquer. Tu veux quasiment rien me dire depuis que tu l'as rencontré. Il fallait bien que je me renseigne.

— Si un jour on retrouve ton corps en pleine forêt, faudra pas s'étonner, fit remarquer Sam en esquissant un sourire, incapable d'être vraiment en colère contre la brune.

Charlie retroussa le coin de ses lèvres, ses prunelles pétillantes de malice surmontées de leur trait d'eye-liner fixant sa meilleure amie qui recrachait un nuage de nicotine dans l'air frais du milieu de soirée. Autour d'elles, les conversations animées des clients de l'Edison et des terrasses alentour ricochaient les unes contre les autres au milieu de la petite place, les musiques éclectiques des établissements s'entremêlant bizarrement. Le feuillage du chêne centenaire au milieu de la place frissonnait doucement sous la brise.

— Est-ce qu'on peut quand même espérer avoir un semblant de paix ce soir, ou vous allez nous coller jusqu'à la fermeture ? reprit enfin Sam en relevant la tête vers Charlie.

— On sera tellement discrets que vous oublierez totalement notre présence, répondit la brune avec aplomb.

— Je rigole pas, Cha'. Je veux pas le perdre celui-là, insista doucement la rousse.

Le sourire de sa meilleure amie s'évanouit légèrement. Charlie décroisa les bras pour plonger ses mains dans les poches de sa robe, observant du coin de l'oeil Sam qui allait jeter son mégot dans un cendrier.

La photographe avait toujours été très secrète sur ses relations, en partie par sa nature timide et réservée. Le fait qu'elle avoue aussi tôt qu'elle tenait à Louis était quelque chose que Charlie n'avait encore jamais eu l'occasion d'entendre depuis qu'elles se connaissaient. Alors la brunette fit un petit signe de tête pour acquiescer, avant de suivre Sam qui retournait à l'intérieur, se promettant de réfréner son enthousiasme et sa curiosité un peu trop débordante. Bon, enfin, au moins pour ce soir, disons.