Le vieux Monsieur

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Charlie décida d’avancer, et s’enfonça dans ce petit espace dans le mur, bien caché par cette borne. Un spectacle incroyable s’ouvrit à ses yeux. Une pièce cachée dans cet édifice, avec des étagères partout, remplies d’objets qu’il n’avait jamais vus. Ils se ressemblaient tous, bien alignés sur les étagères, et on en trouvait des piles émergeant du sol tels des stalagmites, des objets rectangulaires, ayant tous la même forme ou taille, mais avec des illustrations et inscriptions différentes sur leurs faces ou tranches. Charlie était fasciné. Et au milieu de cette pièce, un vieil homme, était assis dans un fauteuil vermoulu, tenant un tel objet dans ses mains, comme si c’était son bien le plus précieux.

« Approche, je t’attendais », lui dit-il.

Charlie, pas peureux pour un sou, s’avança vers lui en se frayant un chemin dans ce dédale d’objets, et n’ayant pas sa langue en poche lui demanda :

« Mais vous êtes qui monsieur, et tous ces objets, qu’est-ce que c’est ? »

Mais ce sont des livres mon garçon !

Charlie commença à paniquer. Si c’était bien ce que le vieux monsieur disait, et si c’étaient des gens d’une corporation qui le retrouvaient, il aurait des sacrés ennuis. Les livres étaient interdits depuis longtemps, et ils avaient été tous brûlés depuis belle lurette. Il avait aussi entendu des rumeurs comme quoi les gens qui avaient été attrapés avec ce genre d’objet avaient tout simplement disparu. Malgré la fascination que de tels objets lui suscitaient, la panique montait en lui, grandissante, à tel point que ces jambes commencèrent à trembler.

— Tu ne dois pas paniquer, Charlie, tu ne risques rien ici.

— Mais, c’est interdit les livres, je devrais vous dénoncer ! Et puis, comment connaissez-vous mon nom ? Je ne me suis pas présenté à vous !

Le vieil homme lui sourit, et enleva ses vieilles lunettes pour les frotter sur un bout de chiffon, avant de les remettre sur son pif.

— Je te l’ai dit, Charlie, je t’attendais. Depuis bien longtemps, en fait. Parce que j’ai quelque chose à te donner. Mais avant cela, on va parler un peu, toi et moi. Mais je t’en prie, assieds-toi, je sais qu’il n’y a pas beaucoup de place par ici, mais pousse donc quelques livres. Et ne t’inquiète pas pour tes parents, ils te retrouveront assez vite, le temps qu’on ait discuté tous les deux.

Charlie ne se fit pas prier. Il commença à déplacer quelques ouvrages, tout en jetant des regards fugaces sur leur couverture. Il n’avait jamais entendu parler des auteurs de ces livres, ni même des titres de ces ouvrages, alors que Charlie était un passionné de lecture. Le premier avait une représentation d’un personnage étrange, mais souriant, appelé vraisemblablement Dalaï-lama. Le second, qu’il eut en main avait pour titre la Divine Comédie, d’un certain Dante Alighieri, un autre, avait pour titre 1984, avec la tête d’un bonhomme menaçant comme illustration. Charlie, en poussant les ouvrages, vit également d’autres titres sans le moindre nom d'auteur. L’un s’appelait la Bible, et l’autre, il n’aurait pas su dire, car les symboles, si c’était bien une écriture, lui étaient totalement inconnus. Il continua à en déplacer, jusqu’à ce qu’il puisse s’asseoir en tailleur sur le sol, mais les questions commençaient à s’entasser dans sa petite tête, et surtout, une envie grandissante de dévorer tous ces livres, les uns après les autres. Une fois confortablement installé, il attendit que le vieil homme devant lui se décide à prendre la parole.

— Dis-moi, Charlie, que sais-tu de notre monde ? Je veux dire, de notre histoire, comment notre société est devenue ce qu’elle est actuellement ?

— Ce que nous apprenons grâce aux télé-formations, ce que nous avons besoin de savoir pour le métier qui nous a été attribué, après nos tests psycho-techniques ! Et comme l’histoire est réservée normalement aux bibliothécaires et historiens, je n’ai eu droit qu’à une télé-formation de quelques heures !

— Mais que dit-elle, cette télé-formation, comme tu dis ? Je dois dire que ce néo-terme ne m’est pas très familier !

— Qu’il y a eu de gros soucis. Des révoltes, des guerres, des famines. Que les hommes au pouvoir étaient gangrenés par la corruption et que les gens en avaient assez. Qu’il y avait des dogmes, appelés religions, et qu’ils étaient utilisés pour monter les hommes les uns contre les autres. Pendant une grande guerre qui a fait plein de morts, un être géant est apparu dans le ciel, et a appelé tout le monde à se mettre sous la bannière des corporations. Elles sont arrivées et ont mis un terme à tout cela, pour que nous puissions vivre en paix et en harmonie. Mais qu’il y a encore des régions, des peuples, qui refusent le regard bienveillant des corporations et ils utilisent des armes pour nous attaquer !

Charlie était un peu perplexe. Ce vieil homme, avec tous ces livres autour de lui, devait en savoir des choses ! Alors, pourquoi posait-il ce genre de questions ? Avait-il seulement lu ces livres ? Et comment se faisait-il qu’il ne connaissait même pas des néo-termes basiques tels que télé-formation ? Les questions se bousculant dans la tête de Charlie, le vieil homme prit une grande inspiration et commença à parler.

Charlie et l'EbookStoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant