Un magasin pas comme les autres

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Charlie s'était perdu. Il est vrai que venir de sa petite enclave isolée et perdue de l'Illinois dans cette grande ville qu'était Denver, il y a de quoi perturber un petit garçon qui n'a jamais vu la ville. Des hautes tours immenses, tellement grandes que Charlie n'en voyait pas le bout. Cela changeait de ces maisons luxueuses, réservées aux hauts-cadres des corporations, gagnées par un zèle excessif et une fidélité hors de toute épreuve envers ses employeurs. Mais dans cette immense cité, tous ces hommes et femmes, grouillant de partout, telle une fourmilière géante, le perturbait du haut de son petit mètre, n'arrêtaient pas de le bousculer, tant cette marée humaine ne semblait pas se soucier de lui, et encore moins le voir.

Il avait dû lâcher la main de sa maman, et en à peine trente secondes, n'arrivait pas à la retrouver, tellement cette horde humaine remplissait le moindre espace dans ces rues. Il savait néanmoins qu'il ne serait pas perdu longtemps, avec les technologies actuelles, on ne perdait jamais la trace de quelqu'un plus d'une demi-heure. Il se mit donc en quête d'un endroit où il pourrait se mettre à l'abri de toute cette masse, et attendre bien sagement papa et maman.

En évitant les piétinements et les bousculades, il se fit un chemin à travers ce grand boulevard. Il arriva très vite à trouver une petite ruelle, où le passage était nettement moins fréquent. Elle semblait un peu mal famée, les murs étaient délavés, des lambeaux de vieilles affiches se décollaient des façades toutes décrépies. Mais un panneau attira rapidement le regard de Charlie. Il clignotait en émettant une sorte de grésillement. Il n'avait jamais vu pareille pancarte. Elle semblait venir d'un autre âge. Dessus, Charlie arriva rapidement à lire son inscription : « EbookStore ». Charlie aimait bien les e-books : le texte défilait devant ses lunettes, s'adaptant à sa vitesse de lecture. Et quand il était trop fatigué pour lire ou quand il ne voulait pas se concentrer suffisamment pour faire autre chose en même temps, une voix synthétisée lui lisait le texte. Piqué par sa curiosité, Charlie poussa la porte du magasin.

C'était un vieil établissement. Les murs étaient complètement défraîchis, la peinture, qui devait être blanche à la base était toute jaunie et s'écaillait par endroits. Sur chaque mur, on trouvait de grandes bornes, avec des écrans tactiles énormes. Charlie ne reconnaissait pas ce genre de technologie, le devait être assez ancienne. A l'heure actuelle, les projections holographiques étaient monnaie courante et la majeure partie des commandes se faisaient oralement, avec l'aide d'un senseur devant lequel on passait son poignet pour valider le paiement. Sur chaque borne, il y avait un panneau annonçant un genre littéraire : policier, science-fiction, fantastique,... Charlie parcourait toutes ces bornes, regardant ce qu'elles contenaient. Uniquement des ouvrages anciens, pas de nouveauté, et Charlie découvrit que le livre le plus récent avait été paru il y a au moins 20 ans.

Pourtant, tout au fond de l'établissement, une borne attira nettement plus le regard curieux de notre petit Charlie. Elle était éteinte, et aucune marque, aucune indication n'était apposée dessus. Charlie s'approcha de cette machine, et commença à la scruter pour voir s'il pourrait l'allumer. Il cliqua sur les écrans, aucune réaction, la machine ne sembla pas répondre à ses stimuli. Il parcourut la machine de ses petites mains, cherchant le moindre mécanisme. Rien. Il donna un petit coup de pied dans la borne, toujours rien. Son insatiable curiosité et une petite frustration grandissantes, le firent jurer, demandant au ciel ce qui pouvait bien se cacher dans cette machine mystérieuse, et se faisant, il mit ses petites mains à l'arrière de la machine, lorsqu'il toucha un petit interrupteur.

Et là, comme par magie, la borne électronique sembla lui répondre. Charlie entendit un bruit sourd, tel un vrombissement, et la machine commença à bouger, faisant place à un petit couloir qui s'enfonçait dans le mur de la bâtisse. Une odeur inconnue arriva jusqu'aux narines de notre petit garçon, un mélange de renfermé, de poussière et une essence qui lui était totalement inconnue. Charlie osa passer sa tête vers ce petit passage, et entendit une quinte de toux, probablement d'un vieil homme, et juste après, il entendit ces mots :

« Viens, mon garçon, entre, n'aie pas peur ! »

Charlie et l'EbookStoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant