La montre anglaise

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11/06/1944

Cher journal, aujourd'hui journée triste, non pas que la guerre soit chose réjouissante mais je n'ai le goût à rien. La rumeur des batailles me lasse, l'envie me manque de jouer avec mon chien qui n'attend que ça, mais j'ai la flemme. La pluie me rend maussade. On me propose des tas de divertissements, rien n'y fait. Je repense à la moisson, à mon père sur la batteuse, à ma mère qui s'essuie le front en préparant la collation.

Tout ça n'a pas de sens, des presque frères qui se battent jusqu'à la mort, qu'est-ce qui va rester à la fin, de nous, de nos terres et nos maisons, même les animaux sont mutilés...

Seigneur, pourquoi nous mets tu autant à l'épreuve.

L'autre jour, le père Burtin est parti voir ses bêtes dans le pré des marais. Il n'est jamais revenu. Un tir de mortier venu de je ne sais où, de je ne sais quel camp, a eu raison de lui. Il laisse une femme et deux enfants derrière lui.

Avant hier, c'est mon oncle Baptiste qui a failli être zigouillé par les boches. Il l'arrête dans le chemin de Saint-Lô alors qu'il revenait du marché, il lève les mains au ciel et les Allemands voient qu'il portait une montre anglaise à son poignet. Le drame. Ils l'ont pris pour un espion britannique. Il a failli finir une balle dans la nuque et le corps dans le fossé. Heureusement que leur capitaine, Muller, passait par là. Il le connait le tonton. Il avait aidé l'officier à réparer sa Kubelwagen et ils avaient un peu sympathisé tous les deux.


Cela tient à peu de chose la vie, la mort...A demain cher journal, maman m'appelle pour l'aider à éplucher des patates. Je vais me changer et après lire un bon Tintin...

Mon journal de l'été 44Where stories live. Discover now