Zorka Einstein

Rorschach

Il se tenait face à cette personne, Zorka Maric, atteinte de troubles psychologiques. De folie, en terme crus. On lui avait dit qu'elle pourrait lui servir de sujet de test. Il avait été dubitatif, mais si doutes il y avait eu, maintenant il était heureux de rencontré cette personne chaque semaine, dans le cadre de son programme sur une psychanalyse basée sur des tâches d'encre de différentes couleurs et formes. Il avait appris à la connaître, elle et son caractère, ou plutôt ses caractères, et sa fixation sur les Allemands.

Il l'observait, elle qui regardait les papiers, l'air studieuse. Puis elle se retourna vers lui.

« -Rorsacht ! Ca sert à quoi, tout ça ? Pas pour les Allemands, au moins ? avança-t-elle, suspicieuse.

-Nous en avons déjà discuté, dit-il sans se départir de son calme. C'est pour aider les personnes comme vous, atteintes de folie.

-Il n'y a que vous qui dites que je suis folle, moi, je me sens bien, et je me poserais des questions, à votre place. Et puis, pourquoi moi ? Nous sommes des dizaines dans cet endroit !

-Hum... Comme vous le savez, vous n'êtes pas la seule qui, disons, m'aide dans mes travaux. Mais vous êtes néanmoins celle dont les propos sont les plus... Comment dire... "originaux" ? Même si "déstabilisant" conviendrait mieux. Il semblerait que les personnes de votre profil ont des réponses aux antipodes de ce que l'on pourrait attendre, et c'est quelque chose à exploiter. Alors, celle-ci ? dit-il en désignant une des tâches.

-Des Allemands !

-Non, sérieusement, s'il vous plaît.

Elle soupire.

-Je vois... Je vois la nature. Des arbres, des forêts. Des animaux. De la légèreté. Je ressens de la nostalgie.

-Bien... Et celle-là ?

Elle prends un temps pour observer, puis :

-C'est étrange. C'est comme tout à l'heure, je vois la nature et le reste. Mais, je ne vois pas la nostalgie... Plutôt... de la joie. J'ai l'impression de voir un tout petit être, comme une lumière. Je m'en sens proche, très proche. Elle se retourne. Vous en pensez quoi ? demanda-t-elle avec un réel intérêt.

-Votre neveu. De ce que vous m'en avez dit, je pense que vous le voyez dans cette tâche. Ce qui est étrange, par contre, c'est son association aux animaux.

-C'est vous qui êtes étrange. Espèce de psy détraqué, dit-elle en tournant le dos, les bras croisés.

-Voilà qui conclut notre échange de cette semaine ! Je vous reverrais semaine prochaine, même heure. »

Il rangeases affaires, et sorti sans empressement. Bien entendu, au Burghözli, tout lemonde avait un problème. Mais celui de Zorka, il le sentait, était particulier,hors norme. Il avait bien fait de venir travailler ici.